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Christoblog

Le ruban blanc

Si Haneke n'était pas l'ami (le mentor ?) d'Isabelle Huppert, présidente du jury, est-ce que son pensum aurait décroché la Palme d'Or ?

Non, bien sûr. Un prophète et Fish tank le surpassent à l'évidence.

Allez, je ne vais pas faire durer cette critique plus qu'il ne faut : le postulat de base est intellectuellement fort discutable. Haneke laisse penser (et les journalistes avec lui, qu'il ne contredit pas) que des mauvais traitements dans l'enfance engendrent forcément des comportements de type sadique à l'âge adulte. Quelle simplification idiote ! Si tel était le cas, la moitié de l'Europe aurait sombré dans le fascisme tous les vingt ans ces cinq derniers siècles, chaque génération devenant le bourreau de la suivante. Et à l'inverse, les assassins du Rwanda ou du Cambodge n'ont pas eu à subir à ce que je sache les tourments d'une éducation religieuse rigoriste !

En ce qui concerne le film lui-même :
- Points forts : des acteurs très bons, un noir et blanc magnifique (à tel point que par moment je me suis surpris à penser "mais à quoi sert la couleur ?")
- Points faibles : le reste. Un scénario ouvert qui laisse le spectateur sur sa faim, une mise en scène chichiteuse (laisser la caméra à un endroit fixe en laissant les personnages passer hors champ doit faire chic aux yeux de Haneke, car il le fait plusieurs fois, le temps de prendre un café peut-être), un montage indolent

Bref, à voir si vous ne voulez pas rater la Palme. Sinon, passez votre chemin.

 

2e

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Fish tank

Le premier plan de Fish tank est déjà un bijou. Katie Jarvies est essouflée, elle vient de danser le hip hop dans un squat. C'est un plan fixe, en plongée, superbe.
 
Suit une première partie qui expose le cadre de l'intrigue : paysages urbains de banlieue, insultes et violences, misère affective et sexuelle. Mia a 15 ans, elle n'aime personne et personne ne l'aime, même pas sa mère, ni sa petite soeur.
Elle ne va plus en classe et doit être prochainement placée dans un centre spécialisé. Elles est le poisson rouge qui tourne dans son bocal. Seule la danse semble donner un sens à sa vie.

Puis sa mère ramène à la maison un amant charismatique, Connor (Michael Fassbender, encore excellent), qui va bouleverser le train train quotidien de la mère et des deux filles.

Le scénario de Fish tank commence comme du Mike Leigh pour évoluer vers une intrigue à la fois fine et perverse. Les pistes narratives ouvertes en début de film (le gitan et son cheval, l'audition, le placement en centre) se bouclent progressivement avec élégance. Le sujet principal du film, l'éducation sentimentale et sensuelle de Mia, se développe dans une direction tout à fait inattendue et évite les lieux communs (comme le basculement dans le mélo) avec brio.

Katie Jarvis est une boule de volonté et de sensibilité, elle est bouleversante, exceptionnelle. Elle ne danse pas si bien que ça, mais quand elle le fait c'est avec une telle détermination qu'on ne peut s'empêcher d'être touché. Fassbender dégage une aura similaire à celle d'un Viggo Mortensen dans les films de Cronenberg, ou d'un Joaquin Phoenix.

La mise en scène est extraordinaire. D'une sensualité, d'une élégance qui fait de Andrea Arnold le pendant féminin d'un James Gray. Elle réussit à rendre sensible la beauté de la nature (un vol d'oiseau, un ciel d'orage, une libellule) comme celle de la ville (une barre d'immeuble, des camions nacelles, des poteaux électriques) avec la même virtuosité. Le jeu des focales, des profondeurs de champ, les légers ralentis, les angles de prises de vue inattendus restituent les sentiments de Mia à la perfection.

L'art du montage y est aussi totalement maîtrisé, témoin cette scène superbe dans la maison de Connor, au moment où Mia réalise quelle est la vraie vie de Connor : on croirait du Hitchcock.

Un deuxième film seulement, et déjà un chef d'oeuvre : Andrea Arnold prend rendez-vous.



4e

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Good morning England

Nick Frost. StudioCanalPas d'analyse psychologique ou sociologique poussée dans Good morning England.

Simplement une comédie où chaque personnage est ultra-typé, ou les situations sont poussées à leur extrême sur un mode cartoonesque. Les méchants, ridicules et engoncés dans leurs conventions grisâtres d'un côté. Les gentils, ne vivant que pour le sexe, le fun et le rock de l'autre, risquant quelquefois jusqu'à leur vie sans qu'on croie un seul instant qu'il puisse leur arriver quelque chose de grave.

La libération que représentait le rock à l'époque est illustrée par une série de vignettes qui rythment le film et montrent le lien assez magique qui unit le DJ et ses auditeurs - sujet commun avec ... Good morning Vietnam.

Pour effectuer autant de pirouettes sans tomber dans le ridicule, il fallait une brochette d'acteurs déjantés et crédibles à la fois, dont Philip Seymour Hoffman émerge, sidérant par sa capacité à changer radicalement de peau de film en film.

Pas un mauvais moment, avec une bande-son évidemment excellente.

2e

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Battlestar Galactica

Mary McDonnell, Michael Hogan, Jamie Bamber, James Callis, Tricia Helfer, Katee Sackhoff, Michael Trucco, Aaron Douglas, Grace Park, Tahmoh Penikett & Edward James Olmos. NBC Universal

Comment inciter quelqu'un qui n'aime pas la science fiction à se lancer dans l'aventure du Battlestar Galactica, comme je viens de le faire, en dévorant dans la foulée les 4 saisons et le stand-alone Razor ?

En soulignant d'abord que la série brasse des sujets bien éloignés de la science-fiction habituelle. Ici très peu de combats spatiaux par exemple. Les rares vaisseaux de guerre que vous verrez sont plus souvent en phase d'entraînement qu'en phase de combat. Rien à voir avec Star Trek et Star Wars, donc. Pas d'aliens non plus, ni de paradoxe temporel. Battlestar Galactica est autant une série de SF que Hamlet est une pièce sur le royaume du Danemark.

Un thème cher à la SF constitue tout de même une thématique de la série : celui des robots. L'histoire débute juste après la destruction presque totale de l'humanité par les Cylons, robots conçus par cette même humanité. Les Cylons (ceux qui nous intéressent) se distinguent des Centurions (métalliques et conformes à l'image traditionnelle du robot) par une caractéristique tout à fait extraordinaire : on ne peut quasiment pas les distinguer des êtres humains, et ils peuvent se répliquer à l'infini, atteignant ainsi une sorte d'immortalité.

Un des principaux intérêts de la série réside dans cette interrogation latente, qui soutient un mystère remarquable jusqu'au tout derniers épisodes de la dernière saison : parmi les héros de la série qui est vraiment humain ? qui est Cylon ?

Evidemment les Cylons, qui s'avèrent être des ennemis incompréhensibles au tout début de la série, vont petit à petit être découverts par les humains.

Leurs secrets vont tomber, leur unité s'effriter, et certain(e)s s'uniront aux humains.

La réussite majeure de la série réside dans l'équilibre quasi parfait qu'elle arrive à maintenir entre le plaisir du mystère et de l'aventure (les Cylons comme les humains parcourent le cosmos à la recherche de la Terre) et les délices de la spéculation métaphysique et politique. La série a de ce point de vue l'immense mérite de ne pas reculer devant les questions complexes : l'immortalité, l'altérité, le racisme, l'amour, la trahison, la révolution (peut on tuer pour une cause juste ?), les alliances politiques, la religion (les Cylons sont monothéistes et les humains polythéistes), les regrets, la maladie, etc...

On a souvent comparé Battlestar à un A la Maison Blanche (The West Wing) de l'espace, de par la complexité des thèmes abordés. C'est en grande partie justifié et les images du camp de la saison 3 rappellent sans conteste des camps contemporains (à Gaza par exemple). L'ombre projetée du 11 septembre est également bien présente.

Si l'édifice improbable de la série - dont l'esthétique un peu ringarde peut rebuter et qui est en fait un remake d'une série mineure des années 70 - tient debout, c'est surtout grâce à une distribution exceptionnelle. L'amiral Adama (incarné par le charismatique James Edward Olmos), roc dans les tempêtes, est le symbole du pouvoir militaire. Son second alcoolique, Saul Tigh, et sa femme Ellen vont jouer un rôle majeur dans le développement de l'intrigue. La présidente Laura Roslin, institutrice projetée Présidente suite à l'apocalypse, va lutter à la fois contre ses ennemis et son cancer avec un courage et une habileté remarquables. Tom Zarek est un leader politique révolutionnaire qui finira par sombrer dans les dérives extrémistes. Gaïus Baltar est le personnage le plus ambigu de la série, complexe, lâche, narcissique (exceptionnel James Callis). Ces personnages principaux sont entourés d'un multitude d'autres personnages qui auront, à un moment ou à un autre, un rôle à jouer dans la série (Lee Adama, Kara Thrace, Lieutenant Gaeta, Numéro 6, Sam, etc....).

La saga n'est peut-être pas tout à fait terminée puisque Bryan Singer (Usual Suspects) pourrait être aux commandes d'un film consacré à BSG, et qu'une série prequel (Caprica) arrive sur les écran américains en janvier 2010.

Un souffle de mystère et d'aventure qui balaye tous les épisodes, des thématiques riches et complexes, des personnages attachants et dont la personnalité évolue tout au long des quatre saisons : BSG place l'art de la série au plus haut niveau. Et comme souvent pour les toutes meilleures production de ce type, elle sait se terminer au bon moment, après 4 saisons denses et très différentes, par un final éblouissant.

So say we all.

 

4e

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Le petit Nicolas

Valérie Lemercier et Kad Merad. Wild Bunch DistributionLe petit Nicolas pouvait échouer de bien des façons. En étant trop respectueux de son modèle, en tentant une reconstitution poussiéreuse de l'époque, ou en en essayant d'inventer un style fait de bric et de broc (comme le calamiteux Lucky Luke, à ne pas voir).

Le film échappe à tous ces pièges de brillante façon. Le scénario, qui entremêle les histoires, tient debout.
Le casting est réellement épatant. Kad Merad et Valérie Lemercier sont très bien tous les deux, les enfants aussi. Sandrine Kiberlain trouve (enfin ?) un rôle qui lui va comme un gant. Les seconds rôles sont parfaits.

Mais ce qui fait la réussite du film c'est sûrement la patte d'Alain Chabat dans le scénario et les dialogues : il n'y a vraiment que lui pour retranscrire à l'écran la concision, la verve et le second degré de Goscinny. L'idée de faire figurer l'espace d'un plan Gérard Jugnot en chef de chorale doit être de lui, par exemple.

Le film pourra être jugé un peu trop sage par certains, mais je trouve pour ma part qu'il trouve son équilibre entre émotion, inventions visuelles, comédie et tableau de moeurs. Avec en plus un générique magnifique et un pré-générique particulièrement réussis.

Un excellent divertissement pour ceux qui ont des enfants en âge de lire les histoires de Sempé et Goscinny, qui change agréablement des dessins animés habituels. 

 

3e

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La vida loca

Christian Poveda, le réalisateur de La vida loca, a été tué de plusieurs balles dans la tête début septembre au Salvador. Il avait 54 ans, était fin connaisseur de l'Amérique Latine.

Cela faisait des années qu'il travaillait à son documentaire sur les gangs du Salvador (les "maras"), dont les membres sont outrageusement tatoués.

C'est donc en quelque sorte en sa mémoire que j'ai été voir le film, et évidemment, il m'est difficile d'en parler sans prendre en compte sa tragique disparition.

Des cadavres, il y en a dans le film. Des vrais, hommes, femmes, ados. Filmés dans la rue comme on les trouvent après la fusillade, en train d'être empaquetés dans de vulgaires sacs poubelles, à la morgue, dans des cercueils. Le film est d'abord un coup de poing qu'il faut accepter. Un projectile extrait de l'oeil crevé d'une femme, les larmes d'une autre femme qui apprend en direct la mort de son mec, la douleur d'une mère lors d'un enterrement, des blessures montrées en gros plan. Toute cette mort, cette chair, cette souffrance est filmée de front, sans perspective, sans commentaire. C'est assez déstabilisant.

Puis petit à petit des histoires se dessinent : une jeune Ciné Classicfemme accouche et explore le mystère de sa propre naissance, un jeune homme est interné et se convertit au christianisme sous la pression d'évangélisateurs américains, une organisation humanitaire tente de réinsérer les membres du gang.
Des thématiques émergent aussi. Le gang comme début et comme fin de tout, comme religion, comme ultime lieu de solidarité et de réalisation de soi.
La brièveté de la vie y est aussi palpable, avec son aspect dérisoire, fatal, absurde (à aucun moment nous ne voyons les ennemis des bandes rivales). Le destin de l'un des personnages principaux va nous le faire sentir brutalement.

Finalement le film révèle de l'intérieur une société autonome, dont les valeurs et la morale sont auto-porteuses, et sur laquelle la société "extérieure" n'a que peu de prise. Par un tour de force qui montre l'intensité du film, les juges et policiers finissent par paraître anormaux, étranges. Nous sommes finalement devenus au fil des images des membres de la 18 : la dernière scène montre une intronisation pour le moins brutale.

Qui est peut-être la nôtre.

 

3e

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Mary and Max

Gaumont DistributionMary and Max est un objet cinématographique assez inhabituel. Sorte de Wallace et Gromit sous Lexomyl.

Voici l'intrigue : une jeune australienne, dont le père est taxidermiste de chats estropiés (pour ses loisirs, mieux vaut taire son travail) et la mère alcoolique et kleptomane (entre autre), est laide, solitaire, mal aimée. Elle écrit à un certain Max Horowitz, juif athée de New York, un peu par hasard.

Va s'en suivre une vie de correspondance, avec son lot de drames, de bonheur, de rebondissements. Max est obèse et atteint d'une maladie appelée le syndrome d'Asperger (ça existe, j'ai cherché sur Google), quelque chose dans le spectre de l'autisme. Il sera donc question de psy, d'électrochocs, de thérapies, de numéros de lotos gagnants et de poissons rouges.
Les passages en Australie sont marrons, ceux à New York gris. Tous cela est éminemment macabre (il y a beaucoup de morts), passablement anxyogène, et malgré tout curieusement léger.

On imagine le réalisateur, Adam Elliot, dont c'est le premier long métrage, ayant mûrement et longuement réfléchi son projet. Au final les trouvailles sont multiples, quelquefois très bien vues, mais leur énumération peut tourner au catalogue.

Il manque un je ne sais quoi pour que le film emporte définitivement l'adhésion : un surcroît de noirceur, une spontanéité plus libérée.

 

2e

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Harvey Milk

James Franco et Sean Penn. SND L'ayant raté à sa sortie en salle, je récupère le coup en DVD.

Autant le dire tout le suite le film tient debout grâce à l'interprétation absolument exceptionnelle de Sean Penn.

 

Dégageant une énergie phénoménale, une conscience de soi et de son avenir d'une profondeur vertigineuse, Penn réussit à nous faire aimer et admirer son personnage. Il parcourt les différents registres (politicien avisé, fofolle amoureuse, leader charismatique et courageux) avec une facilité incroyable. Les autres acteurs sont au diapason, tous touchant et convainquant, avec une mention spéciale pour les deux mecs de Harvey.

L'aspect documentaire du film est très intéressant aussi, il permet de voir fonctionner ce qu'est finalement le coeur de la démocratie américaine. La mise en scène de Van Sant est très neutre, sans aucun des effets appuyés de ses films précédents, sauf quelques ralentis. L'utilisation de vraies fausses images d'archives est assez bien vues. A certains moments un très beau plan nous rappelle que le réalisateur n'est pas n'importe qui, je pense par exemple aux reflets dans le sifflet tombé à terre. Plus qu'au niveau de la mise en scène c'est dans la thématique du destin en marche et de la mort annoncée qu'on retrouve le style Van Sant.

Enfin, l'histoire d'amour qui court tout le long du film (cf photo ci-dessus) est assez belle et touchante, il n'est pas si courant de voir des relations amoureuses gay - pas seulement sexuelles - aussi bien montrées.
Un film intéressant, même s'il manque peut-être un peu de rythme.  

 

3e

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