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Christoblog

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête

Il y a deux façons de considérer ce premier film d'Ilan Klipper.

La première, un peu critique, pourrait souligner les faiblesses du film : une photographie approximative, des facilités gratuites dans le montage, une indigence décontractée dans la direction d'acteur.

La seconde mettrait en avant sensiblement les mêmes éléments, sous un angle plus engageant : une fantaisie convaincante, un mode de narration particulièrement original, une performance hors du commun du formidable Laurent Poitrenaux.

La vérité est que Le ciel étoilé au-dessus de ma tête m'a successivement énervé, étonné, surpris, convaincu, déçu et enthousiasmé. Sa façon délicate et mesurée d'aborder la folie, et surtout la folie relative vue par ceux qui diligentent une hospitalisation à la demande d'un tiers, est particulièrement appréciable. Elle justifie à elle seule qu'on se déplace pour cette oeuvre fragile et sensible.

 

2e

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L'homme qui tua Don Quichotte

Les spectateurs de L'homme qui tua Don Quichotte peuvent se classer en deux catégories : les grincheux atrabilaires et les rêveurs indulgents.

Je fais clairement partie du deuxième groupe, tant le film m'a paru facétieux (bien qu'inégal), stimulant intellectuellement et, par moment, impressionnant visuellement. 

Donc, pour résumer, ce n'est pas aussi brillant que La vie de Brian, pas aussi spectaculaire que L'imaginaire du docteur Parnassius, mais c'est diablement plaisant et rythmé.

Le film propose une réflexion sur le vrai et l'imaginaire, le rêve et la réalité, et nous entraîne dans l'imagination débridée de son auteur. Il a cela d'intéressant qu'on pourra à la fois lui reprocher sa spontanéité et sa complexité, ses approximations (entre autre narratives) et son apparente simplicité, son esthétique glacée et ses facilités comiques. 

Mais au final, son aspect décidé et inabouti rend L'homme qui tua Don Quichotte profondément attachant.

 

3e

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Concours DVD Le rire de Madame Lin (Terminé)

A l'occasion de la sortie en DVD du film de Zhang Tao,  je vous propose de gagner 2 DVD du film.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : "A quel âge est décédée la grand-mère du réalisateur ?"

- joignez votre adresse postale

- envoyez moi le tout par ici

avant le 30 mai 20 h.

Un tirage au sort départagera les gagnants.

Vous recevrez ensuite le DVD envoyé directement par le distributeur.

NB : un des deux DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB ou mon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien).

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En guerre

La force du nouveau film de Stéphane Brizé, qu'on rapproche un peut trop facilement de La loi du marché avec lequel il n'a finalement pas grand-chose à voir, c'est le sentiment d'immersion totale qu'il procure dès les premières secondes, et qui ne faiblit quasiment pas pendant tout le film.

En guerre propose donc une sorte de grand huit syndical, un roller-coaster de sensations physiques, mêlant empoignades, dédains et révoltes, dialogues de sourds, moments de communions, bousculades avec les CRS, discours enflammés. On est bien loin de la pondération et l'équidistance qui constituaient la structure de La loi du marché.

L'impact quasi physique du film sur le spectateur est impressionnant, avant de devenir dans la deuxième partie un peu répétitif. Brizé peine à trouver des ressorts narratifs pour la deuxième partie de son film. L'accumulation de poncifs et le manque de contrechamps nuisent à l'intérêt de l'histoire : le film aurait probablement gagné à montrer les débats des syndicalistes négociateurs, ou ceux de la direction. 

La façon dont la figure quasi christique de Laurent Amadéo monopolise, voire cannibalise le film, constitue probablement à la fois son point fort (en terme d'impact car Vincent Lindon habite son personnage) et son point faible (son jeu semble au fil du film de moins moins incarné, de plus en plus programmatique). Ce parti-pris accule littéralement Brizé à proposer une fin too much, en décalage avec le reste du film, à tel point que le réalisateur doit inventer l'astuce de la montrer à travers un smartphone pour lui donner un vernis de réalité.

Du naturalisme extrémiste et sensoriel.

 

2e

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Plaire, aimer et courir vite

Dans la filmographie de Christophe Honoré, qui se plait à zigzaguer du conte pour enfant à la fantaisie mythologique en passant par la comédie musicale, Plaire, aimer et courir vite marque une étape importante, celle de l'entrée dans la maturité.

Ce beau film sage et apaisé sonne en effet comme un bilan très personnel. Difficile en effet de ne pas reconnaître dans le portrait d'Arthur, jeune étudiant breton, une figure de la jeunesse d'Honoré, et dans celle de Jacques, artiste parisien distancié, une représentation de ce qu'Honoré est devenu. 

La relation des deux hommes pourra donc se lire de plusieurs façons différentes : bien sûr comme une initiation (à double sens) mais aussi certainement comme le regard nostalgique d'un artiste ayant réussi sur l'impulsivité de sa jeunesse.

Plaire, aimer et courir vite montre avec une acuité qui rappelle le déjà très ancien Les nuits fauves la sexualité des backdoors et parking glauques, en les différenciant nettement des belles histoires d'amour du film Arthur/Jacques mais aussi Jacques/Marco. Le film parvient, grâce à une mise en scène d'une élégance et d'une fluidité exceptionnelles, à évoquer toute une palette d'émotions intimes. En se consacrant à l'étude minutieuse des états d'âmes de ses deux protagonistes principaux (une sorte de fuite vers une fin annoncée pour Jacques, un pétillement permanent chez Arthur), sans tenter d'approche sociologique ou politique, Honoré réussit là où 120 battements par minutes s'égarait un peu.

Le film offre à Vincent Lacoste son meilleur rôle, son naturel insolent et tête à claque entrant ici parfaitement en résonance avec le rôle, alors que Denis Podalydès et Pierre Deladonchamps sont tous deux très convaincants. 

Une belle réussite.

 

3e

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Concours Les météorites : gagnez 5x2 places (Terminé)

A l'occasion de la sortie le 8 mai du film de Romain Laguna, je vous propose de gagner 5 x 2 invitations valables partout en France.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : "Dans quelle région est tourné le film ?"

- joignez votre adresse postale

- envoyez moi le tout par ici

avant le 13 mai 20 h.

Un tirage au sort départagera les gagnants.

Vous recevrez ensuite les invitations, envoyées directement par le distributeur.

NB : deux des cinq lots seront attribués par tirage au sort à des participants ayant aimé ma page FB ou mon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)

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Journal de Cannes 2018

 

19 mai

Pour la première fois depuis sept ans, je suis à Cannes pour le dernier jour, ce qui me permet de tester les séances de rattrapage qui reprennent sur une même journée tous les films en compétition. Cela me permet de voir Heureux comme Lazarro (2/5) de Alice Rohrwacher. Le film commence dans le même esprit que Les merveilles, son film précédent, que j'avais peu goûté. Il évolue ensuite vers une sorte de délire mystico new age à base de loup, que j'apprécie à peine plus. Le scénario du film, si on excepte la fin catastrophique, est toutefois intéressant.

J'aurai vu 20 des 21 films en compétition : au vu des critiques toutes négatives, j'ai fait l'impasse sur Les filles du soleil, de Eva Husson. 

Ayant échoué dans mes tentatives d'assister à la cérémonie de cloture, je regarde le Palmarès avec mon pote Maxime en terrasse du Café Roma. Un Palmarès (pour une fois) très satisfaisant, j'y reviendrai. La fin de soirée est consacrée au film de Terry Gilliam, L'homme qui tua Don Quichotte (4/5), qui m'a plu par sa faculté à multiplier les niveaux de lectures, presqu'à l'infini. C'est du grand spectacle intelligent, et j'espère que le film sera un succès en salle.

Merci à tous ceux qui m'ont lu régulièrement (vous êtes au moins 500), et à l'année prochaine en direct de la Croisette.

18 mai

Dernier sprint aujourd'hui avec les quatre derniers films en compétition. Je commence avec Vanessa Paradis et Un couteau dans le coeur (2/5) de Yann Gonzalez. Si vous aimez l'esthétique queer / porno gay années 70 / giallo, vous aimerez ce film. Sinon, vous le trouverez cheap et sans intérêt.

A la suite, Capharnaüm (5/5), de Nadine Labaki, est sans conteste un des chocs de ce Festival. Il s'agit d'une plongée en apnée dans les bas-fonds de Beyrouth, sur la trace de Zaïn 12 ans, et Yonas, 2 ans. Peu d'yeux encore secs en fin de séance autour de moi. Le film sera à coup sûr au Palmarès, reste à savoir à quelle place.

Ayka (3/5), de Sergey Dvortsevoy, est un peu le pendant russe de Capharnaüm, en plus enneigé, plus sombre et plus pessimiste. Formellement, le cinéaste suit son actrice caméra à l'épaule à courte distance pendant tout le film, créant un sentiment d'urgence permanente et de claustrophobie.

Dernier et quarantième film de mon Festival, Le poirier sauvage (4/5) de Nuri Bilge Ceylan est une fresque ambitieuse dont le noeud est la relation père / fils. On y retrouve tous les ingrédients du maître : une photographie prodigieuse, une mise en scène d'une précision surnaturelle, de longues conversations philosophiques, le sentiment physique du temps qui s'écoule, la complexité des sentiments.

17 mai

Premier film en compétition de la matinée, Dogman (5/5) de Matteo Garrone. C'est probablement le meilleur film du réalisateur italien. Tableau sobre et puissant de la bonté bafouée : j'ai adoré. L'acteur principal et l'utilisation des décors sont admirables.

Toujours en compétition, Burning (4/5) du coréen Lee Chang-Dong (Poetry, Secret sunshine) est un thriller vaporeux à l'atmosphère murakamienne en diable (le film est tiré d'une nouvelle de l'auteur japonais). C'est parfois sublime, globalement très intéressant, mais un peu long et un peu mou à mon goût. Le film est le chouchou de la presse internationale, qui le voit Palme d'or.

C'est la dernière journée à la Semaine de la Critique, qui repasse les films primés de cette section, ce qui me permet d'enchaîner trois films à la suite. Il est très surprenant que le jury présidé par Joachim Trier ait donné le Grand Prix à Diamantino (1/5), film portugais complètement barré où un clone de Ronaldo voit des chiots géants sur le terrain quand il marque des buts. Un film d'une laideur insigne, tourné avec les pieds. Woman at war (3/5) est un film islandais plutôt sympa, où il est question d'une militante écologiste qui sabote les lignes électriques de son pays, tout en tentant d'adopter une petite orpheline ukrainienne. Très islandais dans l'esprit WTF. Pour finir, un très joli film indien, Sir (4/5) de la réalisatrice Rohena Gera, qui est présente dans la salle. Le film raconte avec une grande subtilité la naissance d'un amour entre un jeune maître et sa servante dans le Bombay d'aujourd'hui.  

16 mai

Début de journée avec la sélection officielle et Under the silver lake (2/5), du jeune prodige US David Robert Mitchell, un des films les plus attendus du Festival. Pour résumer, il faut s'imaginer un film réalisé comme dans les années 50 (même musique symphonique, mêmes couleurs pétantes, même intrigue alambiquée que dans les romans de Dashiell Hammett), passé au mixeur des années 2010 (thèse complotiste, hipster new age). C'est marrant pendant une heure, mais le film dure 2h19. Donc non.

J'enchaîne rapidement à la salle Debussy pour Sofia (2/5), de la marocaine Meryem BenM'Barek. Le film dure 1h20, il est très bien fait mais le scénario peine à tenir la distance, un moyen métrage aurait suffi. Le film rappelle opportunément que les relations sexuelles hors mariage sont punies de 1 mois à 1 an de prison au Maroc.

A la Quinzaine, quel plaisir d'applaudir le merveilleux Mamoru Hosoda, pour son nouveau bijou Miraï, ma petite soeur (4/5). Ce film d'animation raconte les tourments d'un petit garçon jaloux de l'arrivée de sa soeur. C'est à la fois trois fois rien, et l'univers entier qui est invité dans ce film attachant et précieux.

Fin de soirée alternative à la sélection ACID, pour voir un documentaire réalisé par deux jeunes femmes (Ombline Ley et Caroline Capelle) dans un IME du Nord Pas de Calais. Ca s'appelle Dans la terrible jungle (4/5) et je vous le conseille ardemment. Le travail effectué avec les handicapés de ce Centre est joyeux, émouvant, dynamique. Du coeur d'Hollywood à 8h30 aux applaudissements d'une petite salle de 200 personnes pour les jeunes handicapés descendus du Nord sur la Croisette pour présenter le film : c'est la magie du Festival.

15 mai

Après ma folle journée de hier (le von Trier m'a fait me coucher vers 3h du matin), je m'accorde un répit et je ne commence ce matin qu'à 11h, avec le nouveau film de Bi Gan, le réalisateur chinois très remarqué pour Kaïli blues, Un grand voyage vers la nuit (5/5). Ce film, connu à Cannes sous le nom Long day's journey into night, est une splendeur visuelle, dont chaque plan est magnifique et comprend plusieurs idées de mise en scène. La dernière partie du film est constituée d'un prodigieux plan séquence d'une heure environ, en 3D. Il faut simplement accepter, comme dans Mulholland drive par exemple, de ne pas comprendre tout ce qu'on voit.

A 16h, je fais la montée des marches d'En guerre (3/5) de Stéphane Brizé. Le point fort du film est le sentiment d'immersion totale qu'il procure, son point faible c'est la difficulté à développer dans sa deuxième partie des enjeux narratifs consistants (ce qui aboutit à une fin un peu too much). 

Après avoir échoué dans une tentative de rattrapage à la Quinzaine (c'est mon deuxième échec depuis que je suis là), je me retrouve un peu par hasard à regarder un film d'une jeune réalisatrice kazakhe, Bad bad winter (1/5), présenté dans la section ACID. Le pitch du film, incluant un huis clos entre 5 personnes et une succession de dilemmes moraux, rappelle les films iraniens de Farhadi. Malheureusement la sauce ne prend pas ici, par la faute d'une direction d'acteurs flottante et d'un montage trop lâche.

14 mai

Journée exceptionnelle avec cinq films, du suspense et des émotions. Je m'étais fixé pour objectif de voir tous les films projeté au Grand Théâtre Lumière dans la journée. Je commence donc par Une affaire de famille (5/5), d'un de mes réalisateurs préférés, Hirokazu Kore-Eda. C'est touchant, profond, magnifiquement mis en scène. Le meilleur film de la compétition pour moi à ce jour.

J'enchaîne avec une excellente comédie française, parfait buddy-feelgood movie, Full monty aquatique : Le grand bain (4/5) de Gilles Lellouch, avec un casting exceptionnel (Guillaume Canet, Benoit Poelvoorde, Philippe Katherine, Mathieu Amalric, Virginie Efira et plein d'autres). 

Journée japonaise en compétition avec ensuite Asako (3/5), de Ryusuke Hamaguchi, l'auteur de Senses. Une chronique sentimentale originale et un traitement distancié qui fait paraître l'intrigue presque surnaturelle par moment. Le traitement sage de comportements complexes est clairement la marque de fabrique de son auteur.  

Ca se complique pour trouver une place pour la montée des marches de Blackkklansman (4/5) de Spike Lee, mais j'y arrive. Le film est très classique dans sa forme, hyper énergique, drôle et prenant, un vrai plaisir de spectateur. Trump en prend pour son grade, mais la charge politique est subtilement menée à travers une histoire incroyable inspirée de faits réels.

Je n'y croyais pas beaucoup, mais un heureux concours de circonstance m'a projeté au premier rang du GTL, à quelques mètres du réalisateur, pour la première mondiale très attendue de The house that Jack built (2/5) de Lars von Trier. Le film m'a déçu, moche, trop bavard et mal foutu à mon goût, et beaucoup moins malsain que ce que la petite centaine de spectateurs ayant quitté la salle pourront colporter. Quand un film traite d'un tueur en série, il ne faut pas s'attendre à voir courir des agneaux dans des champs de fleurs (et en plus si, on voit aussi ça dans le film). 

13 mai

Un petit Gaspar Noé pour se réveiller, c'est brutal, d'autant plus qu'il fallait être dans la file d'attente vers 7h30 du matin pour espérer entrer (la séance était à 8h45). Pour le coup, rien n'avait filtré, et nous avons vraiment vu le film en première mondiale. Climax (5/5) est pour le moi le meilleur film de son auteur : tourné en trois semaines avec des danseurs, le film raconte une fête qui dégénère suite à l'absorption d'une sangria augmentée. Il faut imaginer une nef des fous (façon Bosch) tournée par l'enfant naturel de Pasolini et de Lynch. C'est brillant, virtuose, scotchant, très dérangeant sans être gore. Du grand art.

A la suite, je tente un film indien (c'est un pays qui ne figure pas encore dans ma carte du monde Cannes 2018) à Un Certain Regard. Manto (3/5) est un biopic à gros budget (il y avait 25 personnes sur la scène de Debussy pour la présentation du film, je n'ai jamais vu ça), qui raconte la vie d'un écrivain musulman ayant vécu à l'époque de l'indépendance de l'Inde. Réflexion sur la façon dont les écrivains sacrifient tout pour leur art, chronique socio-historique intéressante, le film ne trouvera peut-être pas le chemin des salles françaises.

Retour à la compétition avec Trois visages (3/5) de l'iranien Jafar Panahi. Le film débute par un scène d'anthologie d'un point de vue scénaristique et développe une enquête champêtre lors de laquelle l'approche pince sans rire de Panahi fait des merveilles. Peut-être un poil anecdotique, mais réalisé dans un esprit kiarostamien des plus agréables qui ravira les admirateurs de Taxi Téhéran.

Fin de journée au Studio 13 avec le nouveau film de Romain Gavras, Le monde est à toi (3/5), comédie grinçante et déjantée au casting plus que parfait : Karim Leklou en premier rôle (enfin !), Isabelle Adjani impériale, Vincent Cassel à contre-emploi et des apparitions désopilantes de Philippe Katerine et François Damiens. Un feel-good movie de qualité, qui me réconcilie avec l'auteur.

12 mai

J'attendais beaucoup du nouveau film du chinois Jia Zhang-Ke, dont j'avais beaucoup aimé les deux films précédents (A touch of sin, Au-delà des montagnes). Malheureusement, Les éternels (2/5) m'a déçu. Le film reprend beaucoup des thèmes du film précédent de son auteur, en les développant moins bien. Je n'ai pas accroché avec cette histoire d'amour qui traverse le temps. Le film m'a paru à peine fini et mal monté.

La première vraie, grande, bonne surprise de ce Festival vient à 16h d'Un Certain Regard, avec la projection de Girl (5/5), du belge Lukas Dhont. On suit une jeune transexuel qui veut devenir danseuse. Lara est une fille avec un corps de garçon, et on n'a à mon avis jamais aussi bien montré cette situation au cinéma. L'acteur Victor Polster est prodigieux, et la mise en scène est d'une grande sensibilité. Un film magnifique, caméra d'or en puissance puisque premier film.  

Fin de journée à la Quinzaine, avec un film de genre, Mandy (1/5) de Panos Cosmatos, avec Nicolas Cage, qui n'a pas fait le déplacement pour Cannes. Le film montre ce dernier tuer des sortes de zombies en ferraille avec une hallebarde faite maison, alors qu'une secte a enlevé et brûlé vive sa femme. C'est très série Z, moche, et les seuls bons moments sont les moments de second degré où toute la salle rigole. La magie de Cannes c'est (aussi) de passer de Girl à Mandy sans transition.

11 mai

Je commence par un film de la compétition, Cold War (4/5) du polonais Pawel Pawlikovski, le réalisateur de Ida. Le film est d'une beauté formelle époustouflante (format carré, noir et blanc sublime), qui sert très bien une histoire d'amour sur plusieurs décennies, racontée sous forme de vignettes euphémistiques. L'actrice Joanna Kulig est magnétique.

J'enchaîne rapidement à la Quinzaine par le premier film de Marie Monge, Joueurs (2/5). L'intérêt du film est de montrer avec beaucoup de réalisme le fonctionnement les cercles de jeu parisiens. Tahar Rahim et Stacy Martin sont parfaits et la réalisation solide, mais le film souffre d'un manque d'originalité : on a l'impression d'avoir vu ça mille fois.

En milieu d'après-midi je trouve une place en orchestre pour la montée des marches du Godard, Le livre d'image (1/5). Le film est laid, incompréhensible et représente une vraie torture. Un spectateur hurle sur ma gauche en début de séance "Godard forever", mais beaucoup d'autres partiront avant la fin.

Parlons plutôt de mes voisins. Sur le siège à ma gauche est assis Patrick Poivre d'Arvor : c'est bizarre d'être assis à côté de quelqu'un de célèbre ... à qui on a rien à dire ! Trois places à ma droite le réalisateur ukrainien Sergei Loznitsa. Trois rangs derrière moi, une bonne partie du jury : Cate Blanchett surveillée de près par Robert Guédiguian, Kristen Stewart en jean, Laura Seydoux, Andrey Zviagintsev en blouson de cuir et Denis Villeneuve en jeans et chemise bleu clair. Le président de la confédération helvétique (et ses impressionnants gardes du corps) cinq rangs devant moi.

Fin de journée dans la modeste salle Alexandre III, pour un rattrapage, le film d'ouverture de la Quinzaine, Les oiseaux de passage (4/5), un film colombien de Ciro Guerra (L'étreinte du serpent) et Cristina Gallego. Pour résumer, c'est Scarface chez les indiens Wayuu. Beau et intéressant.

10 mai

La journée commence bien à la Quinzaine, avec Petra (4/5), du catalan Jaime Rosales. On dirait un Haneke du sud, qui se finirait bien et qui serait agréable à regarder. Le récit est composé de 7 chapîtres qu'on voit dans le désordre, ce qui constitue une belle émulation intellectuelle. Le film possède bien des points communs avec le film de Farhadi (l'Espagne, son actrice principale, des thématiques liées à la famille et au passé), mais il est bien plus réussi.

Toujours à la Quinzaine, Les confins du monde (2/5), de Guillaume Nicloux, est raté. Je comprend que Frémaux n'en ait pas voulu, malgré tout le potentiel glamour du film (Depardieu, Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, et le fric qui suinte de chaque plan). Pour résumer, je dirais que c'est un Apocalypse now franchouillard et gore, qui relie guerre et frustration sexuelle. Tout m'y a semblé factice.

Je rentre ensuite grâce à une invitation glanée auprès de l'attaché de presse du film à Un certain regard, pour la projection du très attendu A genoux les gars (4/5). Antoine Desrosières, le réalisateur, s'était fait remarqué avec son court métrage Haramiste, qui mettait en scène deux jeunes filles voilées, parlant très librement de sexe. On retrouve ici les deux actrices (formidables) dans un film qui ne ressemble à rien de connu, mêlant sujets de sociétés (homophobie, viol et consentement) à l'histoire d'une émancipation sexuelle. C'est vif, déjanté, une logorrhée étourdissante et enivrante qui sert une dialectique complètement zarbi. 

Quand je sors de cette troisième projection à la suite, il est 16h, et il est temps de ... manger une salade niçoise, avant de chercher une invitation pour la montée des marches de Plaire, aimer et courir vite (4/5), en compétition. Le film de Christophe Honoré, que vous pouvez voir en salle, est beau et sage. La mise en scène est d'une grande beauté et les acteurs m'ont convaincu. Pourtant, curieusement, l'émotion a été assez peu au rendez-vous. Le films souffre peut-être d'une longueur un poil excessive.

 

9 mai

La journée ne commence qu'en début d'après-midi, pour cause d'avion, de transport, d'installation à l'hôtel...

Mon premier film à Cannes est Rafiki (3/5), un film kényan, réalisé par une jeune femme, et qui raconte une histoire d'amour entre deux jeunes filles, un peu sur le mode de La vie d'Adèle, le sexe frontal en moins et l'Afrique en plus. C'est pop, coloré, chaleureux, parfois maladroit mais finalement estimable. Les actrices sont très bien.

J'enchaîne avec un deuxième film africain (c'est exceptionnel à Cannes !) : Yomeddine (5/5) premier film d'un jeune réalisateur égyptien. Il s'agit d'un road movie qui met en scène un lépreux très marqué par sa maladie, et un jeune nubien qui s'appelle Obama. C'est un film formidable, entre Elephant man, Freaks, et les comédies italiennes des années 70. J'ai beaucoup aimé, et le film a été acclamé par le public du Grand Théâtre Lumière pendant de longues minutes. La presse a été plus bégueule, reprochant au film ses quelques facilités ou maladresses. On pourrait à mon avis le retrouver au palmarès.

Pour finir, à 22 h, le troisième film de la compétition : Leto (2/5), du russe Kirill Serebrennikov. Ce dernier est assigné à résidence en Russie et l'actrice principale entre dans la salle avec un panneau portant son nom. Au-delà de l'aspect politique, le film m'a laissé complètement froid : du Garrel russe et rock, agrémenté de clips moches et d'une musique médiocre. Le film présente sûrement un intérêt, mais je ne l'ai pas vu.

 

8 mai

Une fois n'est pas coutume, mon Festival de Cannes commence cette année au beau cinéma le Louxor, à Barbès. Je ne prendrai l'avion qu'aux aurores, demain matin.

Pas grand-chose à reprocher formellement au film d'Asghar Farhadi, Everybody knows (3/5), solidement réalisé, bien écrit et bien interprété. L'intrigue, qui se développe agréablement lors de la première partie, patine cependant franchement dans la deuxième, et les nuances habituelles des scénarios de Farhadi cèdent ici la place à un conformisme décevant.

Un film qu'on devine invité en ouverture principalement pour le côté glamour du couple Bardem / Cruz.

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Everybody knows

Le début du film est surprenant et particulièrement réussi : on n'avait encore jamais vu Asghar Farhadi adopter un rythme si échevelé. Le montage est vif, les mouvements de caméra fluides et la direction d'acteurs exceptionnelle. On est véritablement immergé dans cette fête de mariage, et chaque personnage acquière rapidement une personnalité marquée.

La deuxième partie du film est beaucoup plus classique. Les ficelles scénaristiques sont bien plus grosses et plus visibles que dans films iraniens du réalisateur (A propos d'Elly, Une séparation, Le client). On attend vainement le changement de perspective qui va opérer un vrai basculement dans l'histoire. La résolution finale est un peu éventée.

L'impression globale est tout de même celle d'une grande maîtrise dans la mise en scène et d'une solide qualité dans la narration et les dialogues. Farhadi parvient ponctuellement à faire exprimer des sentiments très subtils à ses acteurs.

Si vous voulez suivre l'ensemble de mes aventures cannoise, il faut consulter mon Journal de Cannes.

 

2e

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Senses

C'est une expérience unique que propose le film fleuve Senses, qui sort en France découpé en trois parties ; 1&2 (sortie le 2 mai), 3&4 (sortie le 9 mai), et 5 (sortie le 16 mai). 

Senses propose une exploration de la psyché féminine japonaise contemporaine, à travers le portrait de quatre femmes soumises aux (ô combien) pénibles oppressions patriarcales de la société nippone.

Autant le dire d'entrée, le film est remarquable de nombreux points de vue, mais celui qui frappe d'entrée est le suivant : on aura rarement dans le cinéma japonais contemporain aussi bien montré combien la femme japonaise est soumise à la fois aux volontés de son mari (elle ne peut divorcer si le mari  ne le souhaite pas) et aux conventions sociales.

Au-delà de la condition féminine, le film de Ryusuke Hamaguchi expose avec une férocité placide toute la pesanteur des rapports sociaux qui existent dans son pays : politesse excessive, obséquiosité hypocrite. On aura rarement montré avec une telle force à quel point les émotions telluriques de l'âme humaine sont dans l'archipel japonais recouvertes d'une croute de conventions aliénantes.

Senses est donc si l'on veut une sorte de Desperates housewives revisitées par un cinéaste qui emprunte à la fois à Cassavetes (pour sa façon d'étirer les scènes au-delà du convenable) et à Ozu (pour la sage sobriété de sa mise en scène). 

Si l'ensemble n'est pas constant dans l'excellence (comment pourrait-il l'être pendant cinq heures ?), il faut souligner l'extraordinaire prestations des quatre actrices, justement récompensées au Festival de Locarno. Les acteurs masculins sont par contrastes assez monolithiques.

La mise en scène de Hamaguchi brille par un mélange de classicisme qui rappelle Bresson ou Rivette, alliée à de brusques fulgurances qui saisissent le spectateur : je pense notamment à cette façon inimitable de proposer des plans face caméra au détour d'un dialogue, ou à cette faculté de glisser dans une même conversation les plus grandes banalités à des confidences très intimes, voire à des interrogations philosophiques.

La finesse dans l'approche psychologique des personnages et les variations subtiles qui émaillent les longues de scènes de discussions collectives montrent à quel point le réalisateur est habile : j'ai hâte de découvrir son nouveau film en compétition, au Festival de Cannes.

 

3e

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