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States of Grace

Il y a à l'évidence quelque chose dans States of Grace qui attire potentiellement le cynisme. Une interprétation hyper-sensible de l'actrice Brie Larson, un sentimentalisme parfois un peu trop tape-à-l'oeil (exemple : la demande en mariage), des personnages un peu bisounours, un air général de "performance pour Sundance", des effets pas toujours discrets.

Et pourtant, on s'immerge avec beaucoup de douceur dans ce tableau d'une jeune femme fissurée qui gère elle-même un centre d'accueil pour enfants en difficulté. Le mérite en revient bien sûr à l'extraordinaire performance de Brie Larson, mais aussi à la mise en scène habitée de Destin Cretton. Chaque jeune filmé est en quelque sorte une voix qui constitue un choeur de souffrance, et le chant qu'entonne le film est une ode à la bienveillance, à la résilience et à l'espoir.

Le film a donc les défauts de ses qualités : il pourra paraître réaliste ou misérabiliste, naïf ou sincère. Pour ma part, il me semble être un beau morceau de cinéma écorché.

 

 3e    

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Cannes 2014 : la Quinzaine des Réalisateurs

Comme les autres années, c'est la Quinzaine qui présente pratiquement la sélection la plus excitante.

D'abord des pointures, avec en ouverture le nouveau film de Céline Sciamma (Tomboy), Bande de filles, et la présence des vétérans John Boorman, avec Queen and country et Isao Takahata (Le tombeau des lucioles), qui nous permettra d'honorer le studio Ghibli avec Le conte de la princesse Kaguya. Bruno Dumont présentera en intégralité une série tournée pour Arte, Le P'tit quiquin, comme l'avait fait l'année dernière Jane Campion avec Top of the lakeEnfin, on pourra voir le nouveau film du grand documentariste Frederick Wiseman, National Gallery.

L'autre pilier de la sélection, c'est comme d'habitude les films de genre, avec des polars, dont un coréen (A hard day de Kim Seong-Hun) et le très attendu Cold in july de Jim Mickle avec une distribution prestigieuse : Michael C.Hall, Sam Shepard et Don Johnson.

Pour finir on guettera avec gourmandise Whiplash de Damien Chazelle, Grand prix du jury et prix du public au dernier festival de Sundance (qui ces deux dernières années était plutôt accueilli à Un certain regard), et le deuxième film de Jean-Claude Hue (La BM du seigneur) : Mange tes morts. 

Tout cela sans compter avec les films inconnus en provenance du Québec, d'Israel (trés présent avec deux films),  du Japon et de Belgique.

Pour suivre la Quinzaine en direct, RDV sur Christoblog, ou pour plus de réactivité encore sur FB et Twitter.

PS : Et si vous allez à Cannes, il faut que vous lisiez cela :

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Dans la cour

On pouvait craindre beaucoup de choses à la lecture du script et du casting du nouveau film de Pierre Salvadori : des numéros d'acteurs un peu vains, une sorte de surenchère dans le misérabilisme psychologique, une petite chose parisienne étriquée à la mesure d'une cour d'immeuble, un succédanné d'esprit grolandais avec le snobisme chic que cela comprend.

Et puis non. Dans la cour évite tous les pièges évidents qui le guettaient : il est superbement réalisé, bien rythmé, et les acteurs sont tous formidables. Kervern est parfait en dépressif conciliant et de bonne volonté, Deneuve montre des choses qu'elle n'avait jamais montré (et avec quel brio !), les second rôles sont tous parfaits (Pio Marmai continuellement défoncé, Feodor Atkine en mari rationnel). Le scénario est suffisamment malin pour nous entraîner vers une fin guère prévisible.

Pierre Salvadori tient sur la durée un équilibre délicat entre comédie douce-amère et drame psychologique, sur un mode à la fois réaliste et poétique. Tout y précis, concis, délicat, mesuré. Du bel ouvrage.

 

3e    

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La crème de la crème

Difficile de comprendre comment on peut rater un film aussi nettement avec d'aussi bons d'ingrédients, à savoir : un milieu peu montré dans le cinéma français (les grandes écoles de management), un scénario plutôt intrigant (la mise en place d'un réseau de prostitution sur les bases de la théorie du marché), des acteurs attachants.

Kim Chapiron réussit pourtant cet exploit, et avec brio, si je puis dire, puisque tout, ou presque, est raté dans son film. Après un début honnête, La crème de la crème s'embourbe très vite dans une sorte de comédie romantique à la noix entre deux ados de classes sociales différentes. 

Dès lors, il ne fait qu'empiler les clichés sans discernement, accumulant poncifs, invraisemblances, fautes de goût et dérapages dans tous les domaines : scénario, direction artistique, jeu d'acteurs.

La lie de la lie.

 

1e

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Suneung

Les cinéastes coréens sont souvent comme ça : imaginatifs, et pas très fins.

Shin Su-Wan remplit une fois de plus ce cahier des charges basique, mais fort agréable. 

Suneung est d'emblée punchy, dès sa première scène : alternance saccadée d'un corps d'ado découvert mort, de planètes dans l'espace et de chasse sanglante au lapin. On ne comprend rien, ça va à 100 à l'heure, mais c'est très rigolo à regarder. Tout le film remonte ensuite la pelote temporelle du drame à coup de multiples flashbacks désordonnés, et l'ensemble est assez captivant.

Outre l'intrigue, plus sombre et complexe que ce que laissent penser les premières minutes, le film séduit aussi par le tableau sans concession (et il faut le dire, sans finesse) qu'il dresse de la compétition scolaire en Corée.

En résumé, à voir absolument pour les fans de cinéma coréen, envisageable pour ceux qui aiment les intrigues retorses menées à coups de serpe, dispensable pour les autres.

 

2e  

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Cannes 2014 : Semaine de la Critique

La Semaine de la Critique ne sélectionne que des premiers et des deuxièmes films.

Cette année l'évènement sera créé sans conteste par la projection de FLA (Faire l'amour), le deuxième film de l'incroyable Djinn Carrénard (Donoma). D'autres films très excitants en séances spéciales : les deuxièmes films de l'israélien Nadav Lapid, L'institutrice, qui a longtemps été annoncé en sélection officielle, et Mélanie Laurent, Respire, film de filles avec Isabelle Carré, entre autre.

Le reste de la sélection, que vous pouvez découvrir sur le Site officiel de la Semaine s'annonce comme un véritable tour du monde : Danemark, Israel, Ukraine, USA, Italie, Colombie.

Charles Tessier a assumé une sélection avec des films de genre : il y aura un film de loup-garou féministe, et un film de spectres.

De quoi combler quelques trous dans les journées cannoises, même si l'accès à la salle Miramar est toujours un des plus aléatoires.

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PS : Et si vous allez à Cannes, il faut que vous lisiez cela :

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My sweet pepper land

Quelle excellente surprise que ce thriller aux allures de western tourné au Kurdistan, par Hiner Saleem, kurde irakien réfugié en France. 

Dès la première scène (une peine de mort qui a quelque difficulté à aboutir), on est sidéré par le mélange de maîtrise dans la mise en scène, de cocasserie décalée et de sens de l'obeservation.

Par la suite le film développe la rencontre de deux êtres vivant d'idéaux.

Elle, la magnifique Golshifteh Farahani (mais que cette actrice est belle !), est une institutrice qui accepte d'aller enseigner aux confins du Kurdistan. Elle est en proie à l'attitude machiste de la totalité de la population, et affublée d'une bande de frères genre Pieds nickelés tragiques, plus préoccupés par l'honneur (présumé) de leur soeur que par leur propre sort - et Dieu sait s'ils auraient intérêt à veiller à paraître moins ridicules.

Lui, le charismatique Korkmaz Arslan (j'ai rarement vu un combo sourcils / yeux d'une telle efficacité), a décidé de faire respecter la loi dans ce village paumé, se heurtant frontalement à un parrain local. 

Rencontre riche en étincelles, parfum ennivrant d'Asie Mineure revisitée par un Sergio Leone pince-sans-rire, My sweet pepper land est un loukoum digeste et hautement recommandable. 

 

3e    

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Tom à la ferme

Le style baroquisant de Xavier Dolan se prête à mon avis bien mieux aux envolées romanesques, narratives et/ou autobiographiques (Laurence anyways, J'ai tué ma mère) qu'aux épures (Les amours imaginaires, Tom à la ferme).

On retrouve certes dans son dernier film ce qui fait le charme du jeune réalisateur québécois : un sens de la caméra qu'on dirait inné, une cohérence impressionnante de tous les éléments artistiques du film (jeu d'acteurs, costumes, décors, lumières, musiques). L'ensemble m'a toutefois semblé manquer de souffle et d'énergie. Tom à la ferme tient sur un fil ténu et il peut parfois donner l'impression de tourner à vide (à l'image de la musique trop envahissante de Gabriel Yared), ou d'avoir dit ce qu'il avait à dire dès sa première partie. Celle-ci, qui décrit l'arrivée de Tom (et qui constitue d'ailleurs le coeur de la bande annonce) est pour ainsi dire parfait, et se suffit presque à lui-même. Les péripéties qui suivent semblent se répéter ad nauseam autour des thèmes exposés initialement : une attraction de Tom pour le frère violent de son boyfriend, les rapports faussés à la mère.

C'est comme si le film, très bien démarré, patinait en milieu de montée, puis s'arrêtait net, à l'image de cette fin cut un peu bizarre, qui semble laisser tous les personnages en lévitation.

Comme d'habitude avec Dolan, j'ai envie de dire : de grandes capacités, mais peut beaucoup mieux faire.

Retrouvez tout Dolan sur Christoblog.

 

2e  

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Cannes 2014

J'y serai.

D'abord l'affiche, délicieusement moderne et vintage à la fois. Ironie, séduction et plaisir : Mastroianni est parfaitement cannois dans cette photo de tournage de Huit et demi.

Quelques éléments factuels : Jane Campion sera la présidente du jury, Lambert Wilson sera maître de cérémonie, Grace de Monaco d'Olivier Dahan, avec Nicole Kidman, fera l'ouverture.

En ce qui concerne la sélection officielle, on trouvera 3 films français : Sils Maria d'Olivier Assayas avec une belle brochette d'actrices (Kristen Stewart, Juliette Binoche, Chloe Grace Moretz), Saint Laurent de l'excellent Bertrand Bonello et The search, film de guerre (celle de Tchétchénie) tourné par Michel Hazanavicius.

Je souhaite pour ma part une Palme pour l'immense cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan (3h16 pour son Sommeil d'hiver !). La sélection comprend aussi les derniers films de grands cinéastes : les Dardenne, Atom Egoyan, Naomi Kawase, Mike Leigh, Ken Loach.

Tous les regards durant cette compétition seront tournés vers Godard / 83 ans, et les 1h10 de son Adieu au langage (rien que le titre fascine !), en 3D s'il vous plait. Xavier Dolan / 25 ans, le jeune prodige québécois, intègre enfin la compétition officielle avec Mommy.

Pour le reste, des cinéastes moins connus mais prometteurs : l'italienne Alice Rohwacher (remarquée avec Corpo celeste), le russe Andrey Zvyagintsev (primé il y a quelques années avec Elena à Un certain regard). Petite représentation US avec seulement deux films indés, The Homesman de Tommy Lee Jones et Foxcatcher de Bennett Miller. Le mauritanien Abderrahmane Sissako et l'argentin Damian Szifron complètent la sélection. 

Pablo Trapero sera président du jury de Un certain Regard, Party girl sera le premier film français / surprise qui ouvrira cette section. Impossible de citer tous les films de cette section très internationale, toujours riche en découvertes et en premiers films (cinq cette année).

On y trouve tout de même de grands noms : Lisandro Alonso (pour le très attendu Jauja), Mathieu Amalric (La chambre bleue), Pascale Ferran (Bird People), Ryan Gosling (Lost river), Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (Le sel de la Terre).

Le jury Cinéfondation et courts-métrages comprendra entre autres (excusez du peu !) Abbas Kiarostami, Noémie Lvovsky, Joachim Trier et Mahamat-Saleh Haroun

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PS : Et si vous allez à Cannes, il faut que vous lisiez cela :

 

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Pelo malo

Il y a des films qui m'enthousiasment dès la première image, et dont j'ai la certitude au bout de cinq minutes qu'ils marqueront durablement ma mémoire cinéphilique. 

Pelo Malo, de la réalisatrice vénézuélienne Mariana Rondon, fait partie de cette catégorie. Le film est beau, dans ses choix esthétiques, sa photographie magnifique, ses décors urbains incroyables. Il est efficace, avec son montage rythmé, ses acteurs et actrices parfaits. Il est intéressant parce qu'il donne à voir de la société vénézuélienne actuelle, et de l'incroyable impact de l'agonie (quasi christique) de son mentor Chavez. Il est mystérieux par les détours pas si simples de son scénario à triple détente, et plein de mystères. Il est lumineux par le visage de Samuel Lange, jeune acteur qui joue le rôle de Junior.

Junior est un garçon qui vit dans une bulle féminine (sa mère, sa grand-mère), se rêve en photo de chanteur aux cheveux lisses (il les a crépus), et  va progressivement donner des indices (ou pas) de trouble de l'identité sexuelle. Dans quelle mesure les adultes qui l'entourent sont-ils les vecteurs de cette ambiguité ?

Evidemment, le film rappelle furieusement Tomboy, le film de Céline Sciamma : période estivale, enfance et identité sexuelle, malentendus, vision tordue des adultes, thriller psychologique en apesanteur. Il est aussi beau, fin et intelligent que son homologue français. 

Je vous le conseille, c'est un film magnifique.

 

4e

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Les trois soeurs du Yunnan

Wang Bing est un magicien.

Qu'il filme la fin d'un complexe sidérurgique pour en faire un film de plus de 9 heures (A l'ouest des rails) ou ici la vie de trois petites filles dans un village isolé de tout, il parvient à chaque fois à nous captiver, à donner l'impression que la réalité est PLUS que la réalité.

De la même façon que la photographie peut dans certains cas nous donner l'illusion de voir au-delà de la surface des choses, le cinéma de Wang Bing nous projette dans une quatrième dimension vertigineuse et émouvante.

Trois petites filles (10, 7 et 4 ans) dans une maison presque sans électricité, sans eau courante, sans chauffage, sans toilettes, dans un village du Yunnan, à 3200 mètres d'altitude. La mère s'est enfuie. Le père travaille. Les trois soeurs se débrouillent comme elles peuvent durant la journée. Il faut s'ocuper des bêtes, s'épouiller, faire un peu de lessive, manger des pommes de terre. 

Durant les 2h30 que durent Les trois soeurs du Yunnan, il ne se passe pas grand-chose, et en même temps c'est le monde entier qui semble s'engouffrer dans la cour boueuse, dans ces paysages extraordinaires d'alpages, dans ces petits matins brumeux, ou dans l'attitude toujours très dignes de la grande soeur. En posant sa caméra au bon endroit, au bon moment et en cadrant à la perfection, Wang Bing nous jette à la figure un morceau d'humanité brute : c'est beau, puissant et incroyablement bouleversant.

C'est un miracle que le film soit distribué en salle, courez-le voir. Il a collectionné les récompenses : après le prix Orizzonti à Venise, il a remporté la plus haute récompense au festival des trois continents de Nantes, la Montgolfière d'or.

 

4e

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Eastern boys

Eastern boys est divisé en quatre parties distinctes aux noms bien pompeux comme "Sa majesté la rue" ou "Cette fête dont je suis l'otage". 

La première partie est somptueuse : la caméra filme de très loin le ballet de jeunes garçons qui draguent gare du Nord. Il faut être vigilant pour repérer dans le cadre ceux qui seront les personnages du film, et l'impression donnée est celle d'entomologistes qui regardent une fourmilière. 

La deuxième partie commence plutôt bien : Daniel, joué par l'excellent Olivier Rabourdin, qui a invité un des jeunes hommes à le rejoindre dans son appartement se fait envahir par une bande menée par un caïd charismatique, qu'on dirait tout droit sorti d'un film de Cronenberg. Cette partie comporte du très bon (l'ambiance étrange, un peu lynchienne) et du moyen (l'apathie de Daniel, difficilement explicable, et la longueur de la scène).

La troisième partie, elle, rompt avec l'unité de lieu et d'espace des trois autres, pour décrire l'amour naissant entre l'homme d'âge mûr et le jeune ado ukrainien. Ici encore, Robin Campillo alterne le surpenant (l'horreur racontée tranquillement dans les allées d'un supermarché) et le plus convenu (un drame sentimental gay inter-générationnel, des gros plans de porno soft).

La quatrième partie engendre une énième rupture de ton, en nous faisant pénétrer dans un hôtel bas de gamme, dans lequel toute la bande de jeunes est logée aux frais de la Préfecture. Daniel vient chercher le passeport de son jeune amant dont il souhaite favoriser l'intégration en France, et le film prend alors une tournure de thriller tourné comme une série TV française.

De ce tourbilllon de directions contradictoires je suis sorti un peu perplexe, agacé par certaines postures et charmé par des éclairs d'originalité. Si le film n'est pas totalement maîtrisé, il faut reconnaître qu'il est très prometteur.

Robin Campillo est l'auteur d'un premier film, Les revenants, qui est à l'origine de la série tournée par Fabrice Gobert (mais dans laquelle il n'a eu aucun rôle). La Gare du Nord était au centre du récent et très beau film de Claire Simon (ma critique).

 

2e

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Heli

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le nouveau film d'Amat Escalante sort le spectateur de sa zone de confort.

Presque tout dans le film contribue à ce qu'on se sente mal à l'aise en le voyant : étirement de certaines scènes, violences atroces, ellipses surprenantes à certains moments où on craint un plan insoutenable, personnages mutiques, narration éclatée, explosion de violence, tension constante. 

Soyons donc clair : Heli n'est pas un film facile, n'est pas un film facilement aimable. C'est par contre un superbe morceau de cinéma : Escalante y déploie une science de la mise en  scène qui est sidérante. Beaucoup de plans dans le film (le premier par exemple) sont à montrer dans les écoles de cinéma : beaux, magnifiquement cadrés, admirablement éclairés. 

Le tableau général qui est dressé d'une certaine réalité mexicaine (l'usine, l'instructeur américain) est éclatant de cruauté. La force d'Escalante est de manier à la fois le symbolisme (la nuit étoilée, la porte éclairée dans la nuit) et le naturalisme le plus cru (le recensement, la torture intégrée au quotidien).

Certes, la vision que propose le film de la nature humaine est particulièrement noire et terrible, mais l'impression qu'il dégage est tellement vraie, que beaucoup d'autres films paraissent factices à ses côtés.

Une épreuve pour le spectateur, une sorte de Méduse cinématographique.

 

3e    

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Gazette du festival du film espagnol de Nantes 2014

3 avril

Ouverture ce soir avec le premier film en compétition (et en avant-première internationale s'il vous plait) : Les phénomènes, d'Alfonso Zarauza. Le film, d'une facture très classique, décrit le parcours d'une femme s'imposant dans une équipe de travailleurs du BTP, au moment ou la bulle immobilière explose en Espagne. Le scénario est assez convenu, la mise en scène quelconque. Le film vaut essentiellement pour le tableau qu'il dresse d'une Espagne en déroute à travers un destin individuel (certes très stéréotypé), et surtout pour le jeu de la charismatique Lola Dueñas (Les amants passagers).

Cette dernière est très séduisante, à la fois malicieuse et vulnérable, forte et fragile.

 

6 avril

Ce soir, j'ai vu le film qui a raflé approximativement autant de Goyas (6 !) cette année que le film de Galienne a eu de Césars. Il est facile de vivre les yeux fermés est une bleuette sans aspérité, une comédie douce amère qui ne vaut guère que par l'interprétation de son acteur principal, Javier Camara (l'inoubliable infirmier de Parle avec elle). Ce dernier joue un prof qui cherche en 1966 à rencontrer John Lennon, alors en tournage en Espagne, et qui croise la route de deux jeunes gens en fugue (la ravissante Natalia de Molina et le jeune Ramon Fontsere). 

C'est mignon, l'image est bien léchée, mais on peine toutefois à croire que ce film ait pu dominer à ce point la cinématographie ibérique en 2013, même si David Trueba (à ne pas confondre avec Fernando Trueba - L'artiste et son modèle, Chico y Rita) y confirme un réel talent comique, que j'avais déjà remarqué dans un de ces films précédents : le délicieux Madrid, 1987, vu au Festival il y a deux ans.

 

Je n'ai pas pu être cette année très assidu au Festival et j'en suis désolé.

Le Palmarès est tombé hier soir : 

Prix Jules Verne : Il est facile de vivre les yeux fermés de Fernando Trueba (cf ci-dessus, et également Prix du public)

et mention spéciale à La peur de Jordi Cadena (également prix du jury Jeunes)

 

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Chroniques américaines : Photographic memory

En participant aux opérations DVDtrafic (le principe est qu'on reçoit un DVD gratuitement, moyennant le devoir de faire une critique sur son blog, bonne ou mauvaise), on prend parfois le risque d'être cruellement déçu. Et d'autre fois, comme ici, d'être magnifiquement surpris.

Je n'avais jamais entendu parlé jusqu'alors de Ross McElwee, un américain qui pratique depuis longtemps (1983) le documentaire autobiographique, mettant en scène sa propre vie et celle de sa famille.

Le DVD que j'ai reçu regroupe 4 oeuvres, mais je ne vais parler aujourd'hui que de celle visionnée : Photographic memory, présenté à la Mostra de Venise 2011.

Dès les premières secondes, on est littéralement happé par la voix off, calme en toute circonstance, de Ross McElwee. Elle a le timbre des voix aimées, des amis qui racontent leurs aventures avec à la fois un engagement total et une sorte de désinvolture élégante. Ainsi, lorsque Ross parle des problèmes de communication avec son fils adoslescent, on a presque l'impression d'assister à une réunion familiale. Lorsqu'il retourne en Bretagne, sur la trace de sa propre jeunesse (car, oui, pour comprendre un jeune, peut-être faut-il commencer par se rappeler qu'on a été jeune soi-même), on est curieux de voir ce qu'il va découvrir. Et quand il part à la recherche d'un amour de jeunesse à partir d'une seule photo (ci-dessus), notre curiosité atteint des sommets.

Le film, dont une grande partie de l'intérêt tient dans un montage astucieux, est du coup aussi captivant qu'une bonne fiction.

Du coup, je n'ai qu'une envie : regarder les 3 autres films du coffret ! 

 

3e    

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Gerontophilia

Un jeune homme discret éprouve une attirance sexuelle pour les vieillards, et tombe amoureux de l'un d'entre eux.

Avec un pitch pareil, tourné par un réalisateur flirtant souvent avec le porno, le premier sentiment qu'on éprouve durant le film, c'est le soulagement : ce qu'on voit des relations sexuelles est acceptable, et le film est de ce point de vue ... délicat.

L'intérêt de Gerontophilia réside principalement dans l'interprétation du jeune Pier-Gabriel Lajoie, jeune homme à la fois emprunté et gourmand, surpris de découvrir ses penchants, puis avide d'y succomber. Il semble tout droit sorti d'un film de Gregg Araki, alors que la mise en scène de Bruce laBruce lorgne plutôt du côté de Gus Van Sant, personnages marchant filmés de dos, ralentis, caméra légèrement flottante, lumières blanches. 

Les autres personnages sont aussi très bien interprétés : la mère, la petite copine gentiment révolutionnaire, le vieil amant, sont tous très justes dans des rôles plutôt atypiques. 

Au-delà de l'originalité du sujet, de la délicatesse de la mise en scène et du jeu des acteurs, le film ne décolle cependant jamais vraiment et ne fait que recycler des recettes de comédies romantiques entre personnes que les conventions sociales opposent. 

Intéressant, sans être bouleversant.

 

2e  

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Real

Depuis que j'ai regardé un de ses films à ses côtés, j'entretiens une relation un peu particulière avec Kiyoshi Kurosawa, dont j'ai adoré la dernière oeuvre : Shokuzai. J'attendais donc beaucoup de Real.

Le pitch est assez simple. Un jeune homme entre en communication mentale avec sa femme, une dessinatrice de manga dans le coma, grâce à une machine sophistiquée, qui permet la fusion des esprits (curieusement un sujet en tout point semblable avec le récent film lituanien Vanishing waves).

Le début de Real est prometteur : on retrouve cette Kurosawa's touch, qui nimbe toute scène, même très réaliste, d'une ambiance mystérieuse et lourde de sens. Les rencontres "mentales" dans l'appartement de la jeune femme sont très réussies, servies par une mise en scène virtuose, jouant habilement avec les cadres et la profondeur de champ. Des visions horribles tirés des mangas se matérialisent, des évènements curieux troublent la quiétude relative de ces retrouvailles. A l'extérieur, la ville est nimbée d'un curieux brouillard.

Vers le milieu du film, un twist qu'on voit arriver de loin (mais je pense que c'est parfaitement volontaire) trouble un peu le bel agencement du début. Le film devient alors une sorte de digest du film horrifique asiatique récent et moins récent, et se perd dans une quête plus ou moins psychanalytique d'un trauma enfantin.

Ce n'est pas une catastrophe, mais la magie s'estompe nettement, en même temps que le scénario s'égare dans des maladresses et des approximations.

Une demi-réussite.

    

2e  

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Nebraska

Ce n'est pas seulement parce que le dernier film d'Alexander Payne porte le même nom qu'un des meilleurs albums de Bruce Springsteen que je l'adore (et bien que le  film fasse au Boss un clin d'oeil que je vous laisse détecter). 

C'est aussi parce que tout en lui me plait. Son incroyable Noir et blanc, à la fois précis et parfois un peu délavé. Ses acteurs, dont la palette de jeu varie de la perfection au mythique (Bruce Dern, Prix d'interprétation mérité à Cannes !). Ses paysages stupéfiants de beauté. Ses péripéties qui allient humour, tendresse, causticité et pudeur.

Je prévois que bien peu partageront l'entièreté de mon enthousiasme, mais pour tout dire, je pense que j'ai avec Alexander Payne une relation très particulière : son cinéma ma parle directement au coeur, ses choix me paraissent évidents, en un mot comme en cent, je pense qu'il réalise le type de film que j'aurais moi-même réalisé si j'avais été cinéaste (voir ma critique de The descendants).

Il se trouve que dans la même matinée à Cannes l'année dernière j'ai vu Nebraska à 8h30 (c'était à ce moment-là ma Palme d'Or), puis La vie d'Adèle à 11h30 (re-Palme d'or) : il y a des jours comme cela où on ne regrette pas d'être sur la Croisette.

Je résume donc : images somptueuses, noir et blanc sublime, le film paraîtra lisse à beaucoup, qui ne verront pas la fabuleuse délicatesse de la palette de sentiments qu'il expose. Il constitue aussi une plongée dans l'Amérique profonde (culte de la bagnole, etc...). Enfin, il est d'une drôlerie macabre et réjouie, à l'image de cette scène sublime dans laquelle la mère soulève ses jupes au-dessus d'une tombe en déclarant : "Regarde ce que tu as raté". Hilarant, cruel, émouvant, Nebraska est un concentré de gouaille lucide, et comme toujours chez Payne, les sentiments les plus forts circulent avec une douce violence sous une surface limpide.

J'adore ce film.

 

4e

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Aimer, boire et chanter

Il est désagréable de tirer sur une ambulance, mais ça l'est encore plus de tirer sur un corbillard. Alain Resnais ne m'en voudra pas de ce clin d'oeil, lui qui finit son film sur l'image prémonitoire d'un cercueil.

Où qu'il soit, il sait également à quel point j'avais adoré et défendu son film précédent, Vous n'avez encore rien vu

Nous sommes en présence ici d'un grand écart maximum entre l'avis de la critique, qui salue en quelque sorte un maître respecté, un compagnon de route, et celui du public, qui est extrêmement mauvais (des notes très basses de 2,3/5 sur Allociné et 5,3/10 sur SensCritique).

Alors disons-le tout de suite, qu'on le prenne par n'importe quel bout, et sous n'importe quel angle, le film est très ennuyeux et raté de bout en bout. Les décors sont hideux, et hideux paraît presque un compliment tellement on peine à croire que ces élucubrations de fêtes de maternelle soit issues d'un savoir-faire professionnel. Les dialogues sont terribles, les acteurs jouent tous comme des balais (sauf Sandrine Kiberlain, qui est la seule à sembler un peu naturelle). Le sujet n'a aucun intérêt, les péripéties sont téléphonées, les dessins de Blutch sont d'une laideur insigne. Je ne vois rien à sauver dans ce naufrage catastrophique qui sent le rance et le formol, à l'image de cet image immonde d'une sorte de taupe en peluche émergeant d'un gazon synthétique.

Ite missa est.

 

1e

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