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Christoblog

Patti Cake$

Patti Cake$ n'est certes pas le meilleur film de l'année en terme de surprises scénaristiques ou de profondeur de l'analyse sociale.

C'est par contre sans aucun doute le meilleur dans le genre feel-good movie débordant d'énergie.

Patti est une femme blanche en surpoids : trois bonnes raisons de ne pas percer dans le monde du rap. Elle a pourtant en elle le flow, et dans ce New Jersey plus habitué à voir éclore des Bruce Springsteen que des Eminem, elle va sérieusement galérer sur la route d'un hypothétique succès.

Si on a déjà vu mille fois dans le cinéma américain l'histoire de l'artiste / du sportif / de l'homme public qui part de rien en se cognant à tout, elle est ici sublimée par l'énergie débordante de l'actrice australienne Danielle Macdonald, qui semble pouvoir tout renverser sur son passage. Le film parvient grâce à elle (et aux autres acteurs, tous formidables) à être plus que ce qu'il raconte : Patti Cake$ devient un grand huit émotionnel dans lequel on est tour à tour emporté par le rire, les émotions et les larmes.

Le torrent émotionnel qu'il déverse n'évite pas toujours quelques facilités, et le mauvais goût rode au détour du chaque plan : l'incroyable puissance du film semble à la fois le remplir et menacer de le dépecer.

Il faut la mise en scène toujours inventive de Geremy Jasper, ainsi que sa capacité étonnante à établir une ambiance en quelques images, pour que les courants d'énergie foutraques qui traversent le film ne l'emporte pas définitivement.

Pour ma part, j'ai pris un pied immense et quasiment enfantin à suivre les aventures de Patti et de ses proches, me délectant de chaque péripétie, comprenant peut-être pour la première fois en quoi le rap est une poésie, admirant à la fois le caractère joyeux et optimiste de l'aventure proposée, me délectant de la beauté de ces personnages merveilleusement dessinés.

 

3e

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Dunkerque

Penser que Dunkerque est un film de Christopher Nolan procure de drôle de sensations, au moins durant son premier tiers. Ce film sobre, concis, efficace, prenant, serait du même auteur que le grandiloquent Inception ? On peine à le croire...

Progressivement, quelques indices apparaissent, qui nous ramènent aux limites de son auteur : le réalisme apparent n'est que de façade (les blessés ne saignent pas, les vues de Dunkerque comprennent des immeubles des années 70), les raccords lumières sont sacrifiés au profit du spectaculaire (dans la même scène, le soleil est éclatant et les nuages envahissent le ciel) et la corde sensible est au final privilégiée au détriment du naturalisme (quel coquin, ce train d'atterrissage).

La musique de scie de Hans Zimmer est aussi un marqueur irréfutable - et toujours aussi désagréable à mes oreilles -  du film nolanien.

Mais pour une fois, je m'abstiendrai d'être bégueule. Après tout, j'ai pris un certain plaisir à démêler l'écheveau inutilement compliqué des différentes trames temporelles, et la justesse de certaines scènes (le soldat qui se suicide en marchant dans la mer, la découverte du Français) sont suffisamment captivantes pour que le film apparaisse comme un divertissement honorable.

 

2e

 

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Concours DVD Je danserai si je veux (Terminé)

A l'occasion de la sortie en DVD du film palestinien de Maysaloun Hamoud, je vous propose de gagner 2 DVD.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : "Par qui est produit ce film ?"

- joignez votre adresse postale

- envoyez moi le tout par ici

avant le 5 septembre 20 h.

Un tirage au sort départagera les gagnants.

Vous recevrez ensuite le DVD envoyé directement par le distributeur.

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Que dios nos perdone

Couvert d'éloge par la presse et une bonne partie de la blogosphère, ce polar espagnol m'a paru bien lourdingue.

Il se distingue d'abord par un scénario d'une grande platitude, qui ne tient pas la distance du film. Puisque l'intrigue peine à avancer, les scénaristes osent des raccourcis d'une bêtise confondante. Par exemple : on soupçonne le tueur en série d'aimer les chats, les enquêteurs voient un jeune homme caresser un chat errant dans la rue, il le suivent, et bingo, c'est le bon ! Dans une ville de la taille de Madrid, on avouera que le hasard fait vraiment bien les choses...

En réalité, la seule originalité du film tient dans les cibles du violeur et tueur en série : des grands-mères. Le réalisateur Rodrigo Sorogoyen n'hésite d'ailleurs pas à exploiter à fond le filon en filmant les corps suppliciés avec une complaisance qui fait froid dans le dos.

Quant à la paire des flics, elle est stéréotypée au possible : une grande gueule baraquée hyper-violente et un taiseux bègue qui ressemble tellement à Dustin Hoffman que cela en devient gênant.  Les deux personnages sont dessinés à grands traits et sans nuances, les seconds rôles sont sacrifiés.

Grossier, tape à l'oeil, racoleur, fainéant : vous pouvez éviter.

 

1e

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Le Caire confidentiel

Il est finalement assez rare de se faire emporter par un film aussi codifié.

Le Caire confidentiel est en effet conforme à ce qu'on imagine être l'archétype du film noir, tendance Chandler ou pour les plus jeunes, Elroy : un crime sordide, un policier dépassé et manipulé, des puissants qui oeuvrent dans l'ombre, des autorités corrompues, une intrigue confuse.

Le mérite de Tarik Saleh, réalisateur suédois d'origine égyptienne, est de s'appuyer sur des points forts bien spécifiques.

Le premier de ces éléments est le casting admirable, dont l'acteur Fares Fares (qu'on a vu dans Zero dark thirty) est la pierre angulaire : il parvient à paraître à la fois épuisé et inflexible, faible et fort. Du grand art. Tous les autres personnages sont superbement interprétés, jusqu'au plus petit second rôle.

La deuxième force du film, c'est son substrat historico-culturel : le film se commence en plein printemps arabe et se termine avec les évènements de la place Tahir. Ce contexte entre parfaitement en résonance avec l'histoire.

Troisième qualité : la mise en scène et le montage sont formidables de sécheresse et d'efficacité, la caméra ne s'appesantit jamais plus que nécessaire. Alors que certains certains réalisateurs zoomeraient sur un cadavre (comme c'est le cas dans le mauvais Que Dios nos perdone, dont je parlerai prochainement),  Saleh est ici tout en retenue. C'est souvent très beau.

Je conseille donc vivement cet excellent polar qui nous donne une vision époustouflante de la cité cairote (alors qu'il a été tourné à Casablanca, mais c'est la magie du cinéma !).

 

3e

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120 battements par minute

Dans 120 battements par minute coexistent au moins trois films différents, qui auraient pu chacun être très bons.

Le premier est de nature quasi-documentaire. Il analyse, avec un sens de la répétition parfois lassant, le fonctionnement et les luttes d'influence dans un groupe d'activistes. Que ce groupe traite du SIDA, n'est, pour cette partie du film, qu'accessoire : il s'agit de montrer comment l'expression collective est (ou n'est pas) prise en compte, comment le groupe trouve des moyens de capter l'attention, comment il identifie et s'attaque à ses ennemis, comment il gère son recrutement, etc.

Mon impression globale est que le film est principalement constitué de cette matière, que j'ai au départ trouvée assez intéressante (le fonctionnement des RH, les modes d'action), mais qui au final me laisse un peu sur ma faim : certains personnages semblent caricaturés ou accessoires (le personnage joué par Adèle Haenel par exemple) et surtout je n'ai pas vraiment ressenti l'impact du SIDA dans la société française. 

Le deuxième film dans le film est l'histoire d'amour de Sean et Nathan. C'est pour moi le coeur palpitant du film, très platement filmé au début, mais qui lui donne ensuite ses meilleures scènes : le long passage au lit, la fin tragique.

Le troisième est sûrement celui qui reflète le plus la sensibilité de Campillo. Ce sont toutes ces scènes quasi oniriques et très frappantes visuellement : la boîte de nuit, les particules de poussières flottant dans l'air, le virus, l'arrosage des plantes en gros plan (?!), la Seine entièrement rougie (une vision magnifique).

Le souci, c'est que Campillo ne parvient pas à associer dans une seule oeuvre ces trois tendances (naturaliste / lyrique / sensuelle) complètement divergentes : les différentes approches m'ont paru tout au long du film comme les pièces d'un puzzle qui ne s'ajustaient jamais parfaitement entre elles. Le film peine du coup à générer chez moi la dose d'empathie suffisante pour m'emporter complètement, et je n'ai pas pleuré durant 120 battements par minute, alors que je suis habituellement une madeleine au cinéma.

Reste une oeuvre suffisamment engagée et sincère pour méritée d'être vue par le plus grand nombre.

 

2e

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Baby driver

C'est peu dire que le nouveau film d'Edgar Wright, l'auteur culte de la "trilogie Cornetto" (Shaun of the dead, Hot fuzz, Le dernier pub avant la fin du monde), était attendu par toute une tribu de fans geeks, lecteurs de Première. 

L'attente était exacerbée par le psychodrame que Wright a vécu avec Marvel sur le projet d'Ant-Man : après plusieurs années de travail le réalisateur britannique a quitté le projet pour divergence de point de vue artistique avec le studio.

Au final, le retour de Wright s'effectue en mode mineur, avec ce film qu'il portait depuis longtemps en lui, puisque l'idée de Baby driver (un film d'action drivé par une bande-son pop-rock diégétique) lui est venue avant même la réalisation de son premier long-métrage.

Le résultat est plaisant. On suit avec un certain plaisir les mésaventures de ce jeune chauffeur qui extrait les malfaiteurs après un casse (comment traduire getaway driver ?), victime d'acouphènes et addict à une playlist pop-rock aussi éclectique que jouissive (The Jon Spencer Blues Explosion, Jonathan Richman, Simon and Garfunkel, Queen, The Beach Boys, The Damned, T. Rex, Beck et bien d'autres).

Le film, vous l'aurez deviné, ne vaut pas par la folle inventivité de son scénario (on a déjà vu mille fois toutes ces péripéties), mais plutôt par la légèreté décomplexée de sa mise en scène. Particulièrement remarquable dans la première partie, la réalisation de Wright réussit parfaitement dans un premier temps à capter cette volonté de chorégraphie guidée par la bande-son, que ce soit en montrant les voitures ou en suivant Baby dans ses évolutions.

La deuxième partie du film m'a semblé baisser d'un ton, et perdre progressivement de son originalité, même si Baby driver est au final un divertissement tout à fait recommandable. 

Le casting est gentillet. On a plaisir à retrouver Lily James (vue dans Downton abbey), Jon Hamm (le Don Draper éternel de Mad men), Jamie Foxx, égal à lui-même, et Kevin Spacey, un peu empâté, mais toujours inquiétant et bienveillant à la fois.

 

2e

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Une femme douce

Autant le préciser tout de suite, il faut une certaine disposition d'esprit pour apprécier le dernier film de Sergei Loznitsa.

Pour être plus clair, il faut s'estimer capable d'être réceptif à une durée de film qui n'est pas négligeable (2h23) et à un rythme que certains estimeront exagérément lent. Dans Une femme douce, un bus peut mettre plusieurs minutes pour accéder au premier plan, ou un personnage pour se déplacer d'un point A du plan fixe à un point B du même plan fixe. C'est donc un cinéma qui prend son temps, sans être insultant pour le spectateur, parce que chaque plan est signifiant, en dépit de sa longueur/langueur/lenteur apparente.

Loznitsa est un styliste hors pair. Sa façon de filmer peut donc être souveraine, flottante comme un nuage dans une estampe d'Hokusai, déliée et reptilienne pour suivre les différents personnages dans une fête. Il y a un plaisir esthétique évident à voir Une femme douce

Sur le fond, le film pourra être considéré de multiples façons, et ménager de nombreux niveaux de lecture, politiques ou littéraires.

On croit suivre lors de la première partie la démarche kafkaïenne d'une femme qui cherche à ce que son mari en prison reçoive son colis. Ce voyage un peu vain, et en apparence ennuyeux, se transforme dans la dernière partie en un rêve dans lequel chacun des personnages croisés assiste à une sorte de réunion bizarre. C'est selon moi par son final, qui renverse sa perspective générale, que le film prouve sa valeur.

Cette dernière partie onirique m'a sidéré (à défaut de m'avoir totalement séduit) et me fait considérer le film, admirable sous bien des aspects, chiant sous autant d'autres, comme le plus ambitieux de la compétition du dernier Festival de Cannes. 

Je résume : à conseiller aux aventuriers des expériences slaves, délicates et intellectuellement stimulantes. Débrouillez-vous avec ça.

Sergei Loznitsa sur Christoblog : Dans la brume - 2012 (***)

 

2e

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