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Christoblog

Articles avec #ryusuke hamaguchi

Le mal n'existe pas

Dieu sait si j'aime le cinéma d'auteur en général, le cinema japonais en particulier, et enfin celui d'Hamaguchi. C'est bien simple, j'aurais pour ma part donné la Palme d'or en 2021 à Drive my car, un véritable chef d'oeuvre.

Tout cela pour dire que je ne comprends pas l'engouement de la critique pour ce film, à mon avis le moins bon de son auteur, une oeuvre mineure, incomplète et approximative.

Peut-être est-ce parce que sa conception résulte d'une construction autour d'une musique (oeuvre de Eiko Ishibashi) et non d'un scénario que le résultat paraît si peu maîtrisé : on ne comprend pas ce que le film veut dire, au-delà de la gentillette fable écologique (les locaux sont sympas, les promoteurs de la capitale sont des idiots).

La fin du film est catastrophique. En cinq minutes, Hamaguchi parvient à ruiner son oeuvre en nous balançant une suite de plans sans queue ni tête, desquels il est strictement impossible de tirer une interprétation qui tient la route.

Il y a pourtant dans le film par éclair des manifestations sensibles du génie de son réalisateur : la scène d'ouverture magistrale, celle de la voiture dans laquelle on retrouve les talents de dialoguiste d'Hamaguchi, et plus globalement une photographie qui frôle souvent la perfection.

Pour le reste, mes sentiments durant le film ont oscillé entre l'ennui, l'attente, la perplexité, et finalement la déception.

Ryusuke Hamaguchi sur Christoblog : Passion - 2008 (***) / Senses - 2018 (***) / Asako I&II - 2019 (**) / Drive my car - 2021 (****) / Contes du hasard et autres fantaisies - 2021 (***)`

 

2e

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Contes du hasard et autres fantaisies

De film en film, Ryusuke Hamaguchi s'affirme comme l'un des plus grands cinéastes en activité.

Si cet opus est un peu moins complet et profond que son chef-d'oeuvre Drive my car, il met en exergue deux de ses qualités principales : une direction d'acteur de haut niveau, qui permet une exploration en profondeur des sentiments humains, et des talents de dialoguistes hors pair.

De contes, il y en a trois. Le premier est d'une facture assez classique (une femme raconte à son amie son coup de foudre pour celui qui s'avère être l'ex de son amie). Le second est vertigineux et constitue une approche de la libido (en particulier féminine) assez peu courante dans le cinéma japonais contemporain.

Le troisième, qui raconte les retrouvailles de deux femmes plusieurs dizaines d'année après leur lycée, est profondément émouvant.  Dans cette dernière partie, Hamaguchi atteint des sommets en matière d'écriture : l'intrigue est surprenante, les fausses pistes nombreuses, les rebondissements psychologiques étonnants et la finesse d'interprétation atteint des sommets. C'est vraiment du grand art, d'autant plus que la mise en scène se met alors au diapason du scénario, multipliant les effets (symétries, transparences, angles) dans un huis clos d'une apparente simplicité. Magnifique.

 

3e

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Drive my car

Des 40 films vus à Cannes cet été 2021, aucun ne m'a fait un effet aussi durable et profond que Drive my car.

Le cinéma de Ryusuke Hamaguchi, qui jusqu'ici m'avait paru extrêmement prometteur mais toujours un peu inachevé, atteint tout à coup une ampleur et un niveau de perfection qui place son réalisateur au rang des plus grands.

On pourrait lister longuement toutes les caractéristiques qui constituent une oeuvre cinématographique, en constatant ici à chaque fois leur excellence : un scénario à la fois évanescent, précis et magique (tiré d'une nouvelle de Murakami), une mise en scène qui n'hésite à recourir ni à l'emphase ni à l'intimité (et qui peut réunir les deux), un jeu d'acteur captivant, une photographie absolument somptueuse (certaines scènes - la neige, le bord de l'eau, la répétition dans le jardin - sont parmi les plus belles que j'ai vu cette année).

Au-delà des qualités techniques du film, c'est son contenu profond qui ensorcèle. Le ballet des rencontres au fil des années (avortées, inattendues, interrompues), la méconnaissance de soi-même et des autres, le sens de notre existence et la puissance de la nature : Hamaguchi tisse la fine trame d'une philosophie personnelle et poétique qui m'a sidéré par sa puissance.

Drive my car nous tient en haleine pendant plus de trois heures, thriller psychologique et sentimental, parsemé d'éclairs de génie saisissants, tel la représentation finale de la pièce de Tchékov. Pour moi le film de l'année, et même peut-être un peu plus. 

 

4e

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Passion

C'est à la fois très étrange et passionnant de découvrir aujourd'hui le premier film de Ryusuke Hamaguchi, après avoir fait la connaissance du jeune japonais à travers son oeuvre fleuve Senses, suivi très rapidement par le modeste Asako I&II

Il y a dans Passion tous les ingrédients du monde d'Hamaguchi : des nuits qui n'en finissent pas, des dialogues interminables d'une violence parfois sidérante, et qui n'ont parfois que peu de rapports avec l'action, des effets de mise en scène surprenants dans un océan de banalité, des personnages de femmes incroyablement fortes et peu politiquement correctes.

Dans ce film, techniquement moins bien finalisé que les suivants (des images sont un peu sales, le cadre flotte parfois), les intentions du réalisateur sont plus franches et plus violentes que dans Senses et surtout que dans Asako. On est ici dans une sorte de vaudeville cassaveto-rohmérien à la sauce nippone, scandé par des comportements étonnants (le personnage joué par Fusako Urabe, clairement portée sur le sexe) et des moments surréalistes (le discours de l'institutrice, le jeu action vérité). Certaines scènes sont sublimes, à l'image de ce plan au lever du soleil, lors duquel les deux personnages entrent très progressivement dans le champ.

Du point de vue du rythme et de l'intensité du scénario, Passion est sûrement le film le plus accessible d'Hamaguchi, et le plus immédiatement plaisant.

 

3e

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Asako I&II

Il faudra sûrement compter avec Ryusuke Hamaguchi dans les années à venir. Après son très intéressant Senses en cinq épisodes, le voici qui est directement sélectionné en compétition au Festival de Cannes 2018 avec ce nouveau film. Pas sûr d'ailleurs que cet honneur ait parfaitement servi ce film en demi-teinte, tout en subtilité, qui se serait probablement mieux apprécié dans un cadre non-compétitif.

Une sorte d'ambiance surnaturelle préside d'abord à la rencontre de Asako et Baku, avant qu'un saut temporel nous projette dans le quotidien d'Asako et de son mari, Ryohei, qui ressemble beaucoup à Baku. La vie de tous les jours est montrée, comme souvent chez Hamaguchi, avec précision et subtilité. On suit donc d'un oeil mi-distrait mi-curieux cette histoire dont on ne saisit pas réellement le propos.

Le réalisateur s''ingénie d'ailleurs à multiplier les fausses pistes dramaturgiques : à chaque fois qu'on prévoit un rebondissement, celui-ci n'arrive pas, jusqu'au moment où celui qu'on n'attendait plus ... arrive, lors d'une scène d'une rare puissance. La deuxième partie du film est du coup plus intéressante que la première, et l'ensemble forme un ensemble tour à tour amoral, féministe, poétique et presque surnaturel.

Asako I&II laisse une drôle d'impression lancinante : celle d'avoir semé une myriade de signes dont on aurait perçu qu'une partie.

 

2e

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Senses

C'est une expérience unique que propose le film fleuve Senses, qui sort en France découpé en trois parties ; 1&2 (sortie le 2 mai), 3&4 (sortie le 9 mai), et 5 (sortie le 16 mai). 

Senses propose une exploration de la psyché féminine japonaise contemporaine, à travers le portrait de quatre femmes soumises aux (ô combien) pénibles oppressions patriarcales de la société nippone.

Autant le dire d'entrée, le film est remarquable de nombreux points de vue, mais celui qui frappe d'entrée est le suivant : on aura rarement dans le cinéma japonais contemporain aussi bien montré combien la femme japonaise est soumise à la fois aux volontés de son mari (elle ne peut divorcer si le mari  ne le souhaite pas) et aux conventions sociales.

Au-delà de la condition féminine, le film de Ryusuke Hamaguchi expose avec une férocité placide toute la pesanteur des rapports sociaux qui existent dans son pays : politesse excessive, obséquiosité hypocrite. On aura rarement montré avec une telle force à quel point les émotions telluriques de l'âme humaine sont dans l'archipel japonais recouvertes d'une croute de conventions aliénantes.

Senses est donc si l'on veut une sorte de Desperates housewives revisitées par un cinéaste qui emprunte à la fois à Cassavetes (pour sa façon d'étirer les scènes au-delà du convenable) et à Ozu (pour la sage sobriété de sa mise en scène). 

Si l'ensemble n'est pas constant dans l'excellence (comment pourrait-il l'être pendant cinq heures ?), il faut souligner l'extraordinaire prestations des quatre actrices, justement récompensées au Festival de Locarno. Les acteurs masculins sont par contrastes assez monolithiques.

La mise en scène de Hamaguchi brille par un mélange de classicisme qui rappelle Bresson ou Rivette, alliée à de brusques fulgurances qui saisissent le spectateur : je pense notamment à cette façon inimitable de proposer des plans face caméra au détour d'un dialogue, ou à cette faculté de glisser dans une même conversation les plus grandes banalités à des confidences très intimes, voire à des interrogations philosophiques.

La finesse dans l'approche psychologique des personnages et les variations subtiles qui émaillent les longues de scènes de discussions collectives montrent à quel point le réalisateur est habile : j'ai hâte de découvrir son nouveau film en compétition, au Festival de Cannes.

 

3e

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