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Christoblog

Articles avec #hafsia herzi

Borgo

Belle réussite que ce nouveau film de Stéphane Demoustier, qui confirme de film en film une belle finesse d'écriture et de véritables qualités de réalisateur.

Borgo est un polar carcéral tout à fait prenant, dans lequel la réalité corse explose à chaque plan (notamment les relations qui semblent relier directement ou indirectement tous les habitants) et qui est construit sur une idée scénaristique pas forcément originale, mais qui fait ici sont petit effet. Je n'en révélerai évidemment pas la teneur.

Hafsia Herzi, décidément une des meilleures actrices française actuelle, est une nouvelle fois renversante. Opaque et décidée, elle maintient une sorte d'ambiguïté tout au long du film, qui sert admirablement l'intrigue, et fait du personnage de Melissa une sorte de soeur spirituelle du personnage qu'elle interprétait dans Le ravissement.

Le réalisme du film (la prison bien sûr, mais aussi le HLM, le cabanon de plage) est saisissant et rend l'expérience particulièrement immersive.

On est tenu en haleine jusqu'au derniers plans, ce qui n'est pas si courant dans le cinéma français. 

Un formidable thriller.

Stéphane Demoustier sur Christoblog : La fille au bracelet - 2020 (***)

 

3e

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Le ravissement

Pour son premier film, Iris Kaltenbäck frappe fort.

Dès les premières images, l'histoire de Lydia, entrevue depuis le bus conduit par Milos, nous happe.

A quoi peut tenir ce sentiment d'hyper réalité qui nous serre alors la gorge et ne nous quittera plus ? Peut-être à une mise en scène épurée, une photographie un peu grise, un montage au cordeau... mais surtout à l'interprétation magistrale d'Hafsia Herzi. C'est peu dire que cette dernière est de nouveau renversante : tour à tour sage-femme dévouée, jeune femme dépitée au visage marqué, amoureuse décidée, sombre amie soumise à la tentation.

Hafsia Herzi est ici comme un paysage mental qui semble creuser l'écran. Ses tourments affleurent au moindre tremblement, ses gestes sont lourds tant elle est semble lasse de vivre, ses regards obliques aux paupières lourdes nous transpercent. 

Autour d'elle, le reste du casting joue une partition parfaite : Alexis Manenti exprime dans son jeu une densité comparable à celle de  sa partenaire, alors que Nina Meurisse excelle dans un rôle difficile de copine en proie à une sévère dépression post-partum.

La réalisatrice fait preuve d'une grande maestria quand il s'agit de filmer les émotions (superbe scène finale à l'hôtel) ou les scènes de groupe (la famille de Milos) : il y a du Cassavetes et du Kechiche dans sa façon de filmer frontalement l'expression des sentiments les plus intenses, dans un style qui rappelle certains documentaires.  

Une cinéaste dont on entendra à nouveau parler, c'est certain.

 

4e

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Bonne mère

On pourra sûrement trouver beaucoup de défauts au deuxième film de Hafsia Herzi : un synopsis élastique, une direction d'acteurs qui se résume à une approche documentariste (la plupart ne sont pas des acteurs professionnels), une sorte de candeur dans la mise en scène.

Autant de travers qui pourront se retourner comme un gant : Bonne mère brille par son portrait sensible d'une mère courage qui fait tenir debout sa famille désertée par les hommes, et par le tableau sans concession et naturaliste qu'il dresse des quartiers nord de Marseille.

Quelque soit le coté où l'on penche, il est désormais certain que Hafsia Herzi, après un premier long-métrage sensible et sensuel, dépose ici la marque d'une réalisatrice à la forte personnalité.

Hafsia Herzi sur Christoblog : Tu mérites un amour - 2019 (**)  

 

2e

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Tu mérites un amour

Le premier film de Hafsia Herzi ne raconte pas grand-chose, mais le fait bien.

Au programme, une rupture amoureuse qui se passe mal (Jérémie Laheurte, le jeune amoureux d'Adèle dans La vie d'Adèle), une tristesse qui perdure malgré de nombreuses expériences amoureuses et sexuelles (de la vénération platonique d'un amoureux timide au couple libertin pour un plan à trois, en passant par de nombreuses variations).

Hafsia Herzi s'avère une réalisatrice convaincante à l'évidence sous influence Kechichienne : caméra portée, attention extrême portée aux visages, exploration minutieuse des sentiments et émotions, interprétation qu'on jurerait parfois proche de l'improvisation (alors que les dialogues sont en réalité très écrits).

Elle est aussi parfaitement convaincante en tant qu'actrice, même si certains pourront peut-être trouver que la répétition des scènes de spleen avec larmes est un peu systématique.

Les seconds rôles sont parfaits. Djanis Bouzyani en particulier est une formidable découverte, et Olivier Bajon confirme la très bonne prestation qui lui avait valu d'être remarqué dans La prièreTu mérites un amour dessine enfin une carte du tendre dans le milieu des jeunes adultes parisiens ni riches ni pauvres.

Une vraie réussite qu'on demande à voir confirmée.

 

2e

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Mektoub my love : canto uno

Même si j'ai beaucoup aimé le nouveau film de Kechiche, j'hésiterais sans doute à le conseiller. 

Difficile en effet de savoir comment chacun réagira à la proposition du cinéaste, encore plus sensorielle et décousue que d'habitude.

Pour ma part je me suis laissé entraîner dans cette carte du tendre à la mode des années 90, carte que l'on explore finalement sans but particulier. Il est donc question d'un homme menteur et volage, d'un autre timide au tempérament d'artiste, et de jeunes filles à la plastique de télé-réalité, qui agichent à qui mieux mieux, sans être tout à fait au clair par rapport à leurs sentiments.

Difficile de trouver une vraie trame narrative dans cette éducation sentimentale de station balnéaire. L'intérêt du film tient surtout dans la manière dont Kechiche affine progressivement le caractère de chacun des personnages, dont les trajectoires zèbrent le film comme la trace de particules élémentaires dans un cyclotron. 

L'autre intérêt du film réside dans l'attachement progressif qu'on éprouve pour le duo principal du film. Amin est le pôle rayonnant et zen de l'histoire : toutes les filles en sont folles (les Russes, les employées de la ferme, l'Espagnole...) sauf finalement la seule pour laquelle il éprouve réellement quelque chose : Ophélie. Cette dernière est jouée par une actrice tellurique, Ophélie Bau, dont on peut dire que la prestation fera date, à la fois incandescente et terrienne (étonnant comme elle change de posture quand elle s'occupe des brebis).

On se demande bien à la fin du film si ces deux-là finiront par se trouver.

 

4e 

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L'Apollonide, souvenirs de la maison close

http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/83/94/26/19813240.jpgHier au Katorza, à Nantes, Bertrand Bonello était tout de noir vêtu. Il a très bien parlé de son film, pendant près d'une heure, sur un ton à la fois persuasif et humble, répondant avec patience au flot de questions d'une salle sous le charme de son film.

Avant de donner mon avis personnel, quelques anecdotes glanées lors de cette heure d'échange : l'Apollonide est le nom de la maison de son grand-père, le casting a été la partie la plus ardue du film (mélange d'actrices renommées et de non-professionnelles), Bertrand Bonello s'est souvenu d'une vision d'un film qui l'a marqué dans son enfance (L'homme qui rit) pour créer son personnage de la femme qui rit, et le rêve raconté dans le film lui a été donné par une femme de sa connaisance qui l'a vraiment fait. Comme quoi, mieux vaut faire gaffe quand on cause à un réalisateur.

Le film maintenant. Probablement un des plus beaux, des plus complexes, et des plus construits de l'année. Il regorge tellement d'idées de mise en scène différentes et contrastées (split screen, musique soul sur une histoire se déroulant au début du XXème siècle, glissements temporels, bande-son destructurée) qu'il paraît bien difficile qu'un spectateur adhère à toutes. Pour ma part, la fin m'a par exemple déçu (je ne peux en dire plus sans spoiler horriblement).

D'un point de vue cinématographique le film est cependant (et objectivement, vous me connaissez) une merveille. La photographie est splendide, les lumières exceptionnelles. On a plusieurs fois l'impression de voir un tableau vivant. Les mouvements de caméra sont parfois stupéfiants (le panoramique vertical de 360 d°). 

Le choeur des 12 actrices est remarquable et mérite à lui seul qu'on aille voir le film. Jamais, je pense, je n'ai vu au cinéma un groupe aussi homogène d'actrices, en terme de style, comme en terme de qualité de leur performance. Enfin, et c'est là que le film se distingue le plus, il faut attirer l'attention sur le montage, prodigieux. Bonello réussit à jouer avec le temps (à défaut de pouvoir agir sur l'espace, la maison close étant un espace confiné par définition) d'une façon qui emporte l'admiration, en jouant le plus souvent simplement sur une certaine façon d'interrompre brutalement des scènes par ailleurs assez lentes, voire languides. Cet art du montage entraîne le film dans une sorte de spirale ascentionnelle sans fin, qui entre en écho avec les étages de la maison, toujours devinés mais jamais clairement définis.

Il y a beaucoup, beaucoup à dire sur ce film sous d'autres angles encore, politique, féministe, érotique (mais comment peut-il l'être si peu ?), mais je vais m'arrêter là pour laisser à d'autres le plaisir de compléter mon approche.

Un film puissant, à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui laisse une impression de poésie et de mélancolie durable.

 

4e                                       

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