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Christoblog

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Le labyrinthe du silence

Qu'il est agréable parfois de voir un bon film académique ! Dans Le labyrinthe du silence, vous chercherez en vain une quelconque originalité du point de vue cinématographique. L'histoire qu'il raconte est par contre passionnante, les acteurs excellents, et le scénario formidablement écrit.

Nous sommes en 1958 en Allemagne, et peu d'Allemands connaissent le nom d'Auschwitz. Un jeune procureur va être amené, par un concours de circonstances improbable, à s'intéresser au sujet. Cette quête menée au départ par ambition va se transformer peu à peu en réflexion sur son pays, sa famille et ses valeurs.

Le film brille par de nombreuses facettes : il refuse obstinément de sombrer dans le sentimentalisme de bas étage, évite soigneusement toute une série de défauts inhérents à ce type de reconstitution (les intrigues privées sur-représentées, les arrangements avec l'histoire, les raccourcis faciles) et propose une reconstitution du début des années 60 admirable.

Le labyrinthe du silence est beau, émouvant, et diablement intéressant. Allez-y de ma part.

 

 3e

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Broadway therapy

Que Peter Bogdanovitch revienne à la réalisation après plus de 10 ans de silence pour réaliser un film à la Woody Allen a quelque chose d'irréel.

Petite musique jazzy, ambiance new-yorkaise, dès les premières images on se croit dans le nouvel opus allenien. Owen Wilson semble d'ailleurs frappé de mimétisme : il a le phrasé, les intonations et l'air faussement candide de maître Woody. Si sa composition est assez plaisante (on le méprise au début, pour finalement l'apprécier), elle n'apporte pas grand-chose de neuf. 

Heureusement que les autres personnages apportent une touche un petit peu originale à cette screwball comedy. Je pense bien sûr en premier lieu à Jennifer Aniston, qui campe une psy ravagée et violente absolument craquante. Mais aussi à Imogen Poots, en gourde très convaincante, ou à l'excellent Will Forte, parfait en beau gosse faux-cul.

Broadway therapy est un film d'acteurs, bien servi par une mise en scène solide et un montage au rythme métronomique. Pas inoubliable, mais qui se laisse regarder.

 

2e 

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Jamais de la vie

Dans le genre film-de-banlieue-au-héros-mutique-qui-se-finira-mal, Jamais de la vie est plutôt réussi.

Pierre Jolivet, qui est un réalisateur très estimable (je me souviens avoir adoré Simple mortel), réussit plutôt bien sa première partie de film. Olivier Gourmet compose un anti-héros particulièrement opaque - probablement son meilleur rôle - et le film tisse autour de lui une trame narrative intrigante. 

Les seconds rôles sont réussis (étonnant Benabar en patron sympa) et la photographie glauque rend très présente la cité dans laquelle l'intrigue se déroule.

Malheureusement, la deuxième partie du film verse un peu plus dans la facilité et le déjà-vu, même si la réalisation reste sèche et intéressante.

A voir pour le numéro d'acteur de Gourmet, si on apprécie sa dégaine de gros ours à la fois bedonnant et musclé.

 

2e 

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Taxi Téhéran

On connait bien la situation de Jafar Panahi. Censuré dans son propre pays, il tourne des films comme il peut, sans équipe technique, et les transmet en Occident comme des lettres volées.

Pour celui-ci, Panahi développe une idée limpide : mettre ses petites caméras DV dans un taxi et prendre les passagers qui se présentent. 

Il donne à son aventure un faux air de documentaire, mais il est évident que tout est parfaitement scénarisé : il s'agit bien d'une fiction, qui simule un documentaire. 

Il semble que la contrainte galvanise Panahi. Toute la première partie du film est un chef d'oeuvre d'invention entre rire et larmes, dans lequel chaque réplique semble calculée pour susciter une émotion différente : émotion, étonnement, rire étouffé, stupéfaction, intérêt. A ce titre la scène du blessé est un morceau d'anthologie qui figurera dans les meilleurs moments de cinéma de l'année. 

On pourrait croire que Panahi est limité par son installation. C'est tout le contraire qui se passe. Il donne une formidable leçon de scénario par son script millimétrique (beaucoup d'évènements semblent inutiles et ne prennent sens que dans la suite de l'histoire), par son montage admirable (à l'image des deux longs plans qui ouvrent et ferment le film) et ses choix de placements de caméra (et même de choix d'appareils : téléphone, appareil photo de la petite fille).

Même si la fin du film est un peu moins percutant que le début, Taxi Téhéran laisse derrière lui une trace indéfinissable et puissante, dans laquelle se mêle le plaisir d'avoir rencontré simultanément un être dont on voudrait être l'ami, et une cohorte de personnages ébouriffants qui nous ont plongé dans la réalité iranienne contemporaine. 

Jafar Panahi sur Christoblog : Ceci n'est pas un film

 

4e 

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Lost river

S'il y a bien un film que je m'attendais à ne pas aimer, c'est bien celui-ci. Les références à Lynch et Refn étaient un peu lourdes à porter, et le réalisateur, Ryan Gosling, vraiment trop beau gosse pour être intelligent. Je m'attendais donc à sortir la sulfateuse à sarcasmes pour dégommer une oeuvre que je j'avais déjà prévu de qualifier de pompeuse et de maniérée, sans l'avoir vu, bien sûr.

Mais la mauvaise foi, parfois, n'est pas récompensée. Lost river est en effet réussi en tout point.

D'abord, le décor fantasmagorique d'une ville abandonnée d'après la crise est absolument fabuleux (il s'agit en grande partie de Detroit). Les décors constituent un des atouts indiscutables du film.

Dans ce contexte désolé et post-apocalyptique, campons les personnages. Une femme seule (incroyable Christina Hendricks, la secrétaire rousse à l'abondante poitrine de Mad men) élève seule deux garçons. Le plus grand des deux est amoureux de la fille d'en face, dont la mère a arrêté de parler quand son mari est mort. Il y a aussi dans ce monde bizarre et en même temps très familier, un méchant qui découpe les lèvres de ses ennemis aux ciseaux (pas joli, joli, le résultat), un cabaret macabre dans lequel le (faux ?) sang coule à flot, et une ville engloutie.

Présenté comme cela, on pourrait imaginer que le film est un pensum lourdingue : il est au contraire une chronique intimiste dans laquelle chaque personnage trouve exactement le bon ton, la bonne posture.

La mise en scène est imaginative (presque trop, on sent parfois que Gosling s'enflamme - au propre comme au figuré), les seconds rôles impeccables (Reda Kateb, Paul Mendehlson et son incroyable danse).

Le film est une fête pour l'imagination, les péripéties s'enchaînant avec souplesse dans une ambiance délicate, très bien servie par un montage au cordeau et une photographie superbe de Benoit Debie, le directeur photo le plus en vue du moment (Refn, Noé, Korine...).

Un très beau premier film, qui consacre sans conteste un futur grand talent. 

 

3e

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Sea fog - les clandestins

Les lecteurs assidus de Christoblog savent que je suis un fan du cinéma en provenance du pays du matin calme.

Le premier film de Sung Bo-Shim présente tout ce que j'aime dans le cinéma coréen : cela commence par une chronique sociale très bien filmée qui décrit avec beaucoup de justesse et de talent le quotidien d'un équipage de pêcheurs dont le bateau est sur le déclin.

Une façon de renflouer les caisses est de transporter des clandestins chinois qui cherchent à migrer vers la Corée. Commence alors un autre film, qui change complètement de point de vue, et vire au thriller horrifique - et passablement gore. 

Le film réussit ces prodiges qu'un cinéma encore vraiment jeune peut se permettre : une rupture de ton brutale, des effets spectaculaires qui ne craignent jamais de flirter avec le mauvais goût, une énergie de tous les instants. 

C'est plaisant à regarder, étonnant, rythmé comme un morceau de rock, et d'une qualité technique (photographie, direction artistique, réalisation) trois crans au-dessus de la production US lambda.

Je le conseille vivement aux amateurs de sensations fortes et de mets épicés.

 

3e

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Le petit homme

Rien de renversant sans ce premier film de la réalisatrice autrichienne d'origine iranienne, Subadeh Mortezai.

On suit l'évolution d'un petit réfugié tchétchène, Ramasan, et la façon dont celui-ci gère le deuil d'un père mort à la guerre.

Ramasan, petit garçon modèle au début du film, est tenté pour s'intégrer de suivre de mauvaises fréquentations, et il entretient un rapport de fascination / répulsion pour un homme qui a connu son père et tente doucement de séduire sa mère. C'est autour de ces deux pôles que sa personnalité naissante tente de se construire.

Le petit homme, au-delà de son scénario assez commun, vaut surtout pour les interprétations très délicates de ses acteurs, pour la plupart non professionnels, et en particulier celle de ce "petit bout d'homme" qu'est Ramasan. Il est également très intéressant par son aspect documentaire, qui décrit avec tendresse et justesse le camp de réfugiés de Macondo, créé en 1950 en périphérie de Vienne, et aujourd'hui peuplé de 2000 réfugiés de 20 nationalités différentes.

La mise en scène de Subadeh Mortezai est agréable, précise et concise.

Après Fatih Akin (De l'autre côté, Head on, Soul Kitchen), Feo Aladag (L'étrangère), Yasemin Samdereli (Almanya) et Umut Dag (Une seconde femme), Subadeh Mortezai confirme donc l'élan de vitalité que génère les cinéastes d'origine étrangère dans le cinéma de langue allemande.

 

2e 

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A trois on y va

Jérôme Bonnell aime à décrire les sentiments. L'exercice était effroyablement raté dans son dernier film, Le temps de l'aventure, de par la faute d'une erreur de casting XXL (un Gabriel Byrne momifié).

Ici, à l'inverse, si le film est charmant dans sa première partie, c'est grâce à son trio d'acteurs/trices. Anaïs Demoustier joue la solaire Mélodie avec un charisme incroyable. Elle aime et couche avec la sombre Charlotte (Sophie Verbeeck), avant de tomber amoureuse du copain de cette dernière, Micha (Félix Moati). Sur cette énième version du triangle amoureux et/ou du ménage à trois, Bonnell tisse une toile légère et séduisante, enchaînant des situations cocasses qui tentent avec succès de rafraîchir les situations de boulevard traditionnelles.

Cette première partie (qui prend Lille comme décor) est pleine d'alacrité et plutôt séduisante, bien qu'absolument anecdoctique. On perçoit vers la moitié du film que tout cela ne va pas forcément se densifier en terme d'enjeu narratif, et en effet, A trois on y va file benoitement vers une fin franchement convenue, se contentant de bien filmer la sensualité des corps. 

On a l'impression que Bonnell a refusé de creuser les aspects les plus sombres de ses personnages, pour seulement filmer leurs élans. Il le fait avec une bonne volonté un peu niaise, qui anesthésie progressivement l'enthousiasme du spectateur.

 

2e 

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Gente de bien

J'ai toujours envie de dire du bien d'un film sud-américain ou kirghize.

Donc, je dirai du premier film du colombien Franco Lolli qu'il est subtil et bien filmé.

Un petit garçon mal élevé est transféré de la maman au papa dans des circonstances obscures. Le papa travaille dans une famille riche. La maman de cette famille décide de faire le bonheur du pauvre petit garçon en l'accueillant dans ses demeures (principales et secondaires) luxueuses. Mais le pauvre bougre, grisé par les symptômes extérieurs de richesse, se rend progressivement compte que ce monde n'est pas pour lui. Il n'en fait pas partie.

Et la situation dégénère. Gente de bien = gens de bien, ou gens de biens ?

Alors, peu importe que cette fable cruelle soit un peu longuette et parfois didactique, je défend le film par principe et vous conseille d'y aller. Ca vous changera des blockbusters US et des chichiteries hexagonales.

 

2e 

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Hacker

Michael Mann est un grand styliste.

Difficile en regardant Hacker de ne pas en convenir. Le film est rempli de paysages urbains superbement filmés, de cadres savamment composés, de décors géométriques et de ralentis discrets.

L'intrigue du film est assez classique (des bons avec des problèmes, des méchants très méchants), et n'est guère renouvelée par l'effet 2.0 : cela fait plusieurs dizaines d'années que Bond et les autres luttent contre des méchants numériques, plus ou moins réalistes. On pourra sourire aussi de la bleuette au coeur du film, pas renversante, mais plutôt bien servie par Chris Hemsworth, tout en pectoraux et en abdo, et par la sylphide Tang Wei.

L'intérêt du film réside vraiment dans ses décors à la fois très réels et qui paraissent rêvés : une petite rue de Hong Kong paraît tout à coup échappée de Blade runner, un groupe qui marche sur un tarmac filmé au ralenti semble attendre l'arrivée des extra-terrestres. L'aspect onirique du film et sa lévitation cotonneuse rentrent brutalement en conflit avec des scènes de violence filmées brièvement et cruellement : Hacker se révèle alors être un vrai thriller d'auteur, peut-être un peu trop long, mais plutôt agréable à découvrir.

 

2e

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Le dernier coup de marteau

Le deuxième film d'Alix Delaporte n'est pas aussi délectable que le premier, le remarquable Angèle et Tony, tourné avec le même duo d'acteurs

Il présente toutefois le même type de qualités : une direction d'acteur remarquable, une belle habileté à construire les ambiances, une science du montage qui peut paraître lymphatique, mais qui est savante.

Dans les films d'Alix Delaporte, ce qui est montré compte plus que ce qui est dit. Aussi, on peut être fugitivement décontenancé par les ellipses ou les approximations scénaristiques : cela n'empêche pas le film d'être fin, intelligent et sensible.

Le dernier coup de marteau semble parfois à l'état d'ébauche, se résumant à une série de bonnes idées approximativement filmées. Il peut aussi être vu comme une étude sur l'influence de la musique classique sur les relations affectives. Cet aspect du film est fort réussi : la façon dont les répétitions sont filmées épouse parfaitement l'évolution des rapports père/fils.

En conclusion, je conseille ce film : on sent que la filmographie d'Alix Delaporte ne peut aller qu'en s'amplifiant et s'embellissant dans le paysage du cinéma français.

 

 

2e

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Birdman

On savait Inarritu doué. Je n'aurais pas parié qu'il puisse être génial.

Pourtant, Birdman s'avère exceptionnel à tout point de vue. On aura rarement vu la virtuosité de la caméra épouser aussi parfaitement la tortueuse imagination d'un créateur. Birdman est à la fois la tragédie d'un petit homme, la dissection d'un système, une réflexion sur l'art de jouer et un concentré de contemporanéité.

Le principe du "plan unique" est ici utilisé avec une subtilité dérangeante : il ne s'agit pas pour le réalisateur de faire croire qu'il a tourné son film en un seul plan, mais plutôt de suggérer que le monde entier peut tenir dans un théâtre de Broadway et ses environs immédiat - comme il pourrait tenir dans beaucoup d'autres endroits au monde. La caméra furète dans les coins et les recoins avec malice et distinction, les transitions temporelles s'enchaînant avec une maestria ahurissante. Les détracteurs du film peuvent vomir leur bile, le tour de force script+réalisation+montage est proprement unique.

Toute cette science pourrait n'être que poudre de perlimpinpin attrappe-oscars, mais les acteurs et actrices se chargent de donner au film un supplément d'âme : ils décrochent tous quasiment leur meilleur rôle, à commencer par la sidérante prestation d'Emma Stone, qui nous offre une tirade d'anthologie.

L'ego, l'amour, la fidélité, le désir, le jeu, l'acte de jouer, la célébrité, les medias, les relations hommes/femmes et parents/enfants : Birdman englobe tous ces sujets, en les survolant certes, mais en les survolant avec une poésie douce et bienveillante, que ponctue des scènes de duettistes sur le fil, Keaton/Norton, Norton/Stone, Keaton/journaliste, Keaton/Watts...

Il serait illusoire de chercher une profondeur à Birdman, le film ne prétend pas au carottage émotionnel de La vie de l'Adèle ou au vertige métaphysique d'Oslo, 31 août, il lorgnerait plutôt du côté d'un manièrisme à la Gaspard Noé, ou à la Winding Refn, débarrassé de l'obsession de violence (et ... réussi). 

Le film d'Inarritu est comme un morceau de rap : soit vous être emporté par le flow, et le prochain mouvement de caméra est systématiquement un enchantement, parce que chaque minute qui passe renforce le tour de force, soit à l'inverse vous rester à quai, et il est probable dans ce cas que le film vous paraisse vain, fat et artificiel, chaque minute qui passe étant une torture insuppportable.

En ce qui me concerne, film tourbillon, oeuvre totale, pétaradante et sussurante, Birdman s'impose comme le deuxième grand film de l'année, après Snow Therapy.

 

4e

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Vincent n'a pas d'écaille

Difficile de parler longuement de ce film qui est tout en ellipse, en litote et en évitement.

Alors, tentons l'impossible : Vincent se voit doté de super-pouvoirs quand il est mouillé. Trempé dans l'eau, il devient un dauphin sous amphét, un hydroglisseur en mode perceuse à percussion. Voilà.

Le film est muet - ou presque - et nous fait découvrir ce monde inquiétant et novateur dans un cadre et avec un style qui rappelle l'ambiance de L'inconnu du lac. Vincent est un monstre, il est hors de la société. Une rencontre amoureuse, une amitié contrariée vont rompre l'équilibre précaire de sa survie parmi les hommes.

Le film de Thomas Salvador donne à voir le plus (effets spéciaux mécaniques et non numériques) et le moins (une goutte d'eau sur la main peut-elle renverser la situation ?). C'est à la fois attendrissant et bizarre.

A défaut d'être complètement renversant, Vincent n'a pas d'écaille est intrigant, beau et intéressant. Il aurait fait un magnifique moyen-métrage. Sur la durée (1h18), il peine un tout petit peu à tenir le rythme.

Un objet remarquable et remarqué.

 

2e

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Kingsman

En matière de divertissement pur, difficile d'imaginer plus jouissif et plus décontracté que ce premier Kingsman.

Le film ressemble à ces vieux James Bond dans lesquels ce dernier était vraiment anglais, et ne s'était pas encore nolanisé.

Prenez d'abord un scénario malin (et à tiroir) : comment devient-on agent secret ?

Ajoutez des acteurs au top de leur caricature : un Colin Firth plus précieux que jamais, un Samuel L. Jackson zozotant et dégingandé, des seconds rôles parfaits. Tout cela dans un bain d'élégance british.

Secouez au shaker d'une idée ou allusion par minute (le JB de James Bond, Jason Bourne, Jack Bauer par exemple). Fignolez le tout en ajoutant une bande-son entraînante, des décors parfaits et des scènes cultes (l'église !!), des rebondissements incessants : vous obtenez un pur plaisir de spectateur. 

Enfin, le voici le film dans lequel : le héros peut mourir au débotté après avoir trucidé gratuitement plusieurs dizaines d'innocents, un autre héros peut recouvrer un surcroit d'énergie à la perspective de sodomiser une princesse scandinave, des méchants voient leur chef exploser en feu d'artifice, on boit un cognac napoléonnien en l'honneur d'un mort.

Un festival d'intelligence créatrice comme je n'en n'avais pas vu depuis longtemps !

 

3e

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Spartacus et Cassandra

Ce documentaire de Ioannis Nuguet fut sans conteste un des must de la sélection ACID à Cannes 2014. 

Difficile de résumer à froid le brûlot émotionnel qu'est ce court film (1h et 20 minutes) : premier témoignage de la vie des Roms au cinéma ? reportage brûlant et indécent sur l'absence de parents inconséquents ? conte moderne en forme de Hansel et Gretel lost in the 93 ?

Spartacus et Cassandra erre constamment entre plusieurs genres (drame familial, essai auteuriste, documentaire réaliste) et plusieurs styles (réalisme magique, naturalisme bobo, documentaire sec). 

Ses limites sont à la fois ses atouts. Le film est souvent à la limite de l'indécence, flirte avec le mauvais goût, mais parvient (presque) toujours à échapper aux chausse-trappes. Un beau moment, servi par la puissance magnifique de la jeune Cassandra Dumitru, force rutilante et solaire, merveille de résilience triomphante, la cicatrice au coin des lèvres.

 

3e

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Mon fils

Eran Riklis (Les citronniers, Le voyage du directeur des ressources humaines) est un réalisateur que j'aime beaucoup. Ses films sont parfois dénigrés par la presse un peu snob (dernier exemple fourni par les Inrocks à propos de Mon fils), mais je trouve pour ma part qu'il est l'exemple type du bon artisan : il fait des films qui sont pensés pour intriguer et intéresser les spectateurs.

Mon fils remplit une fois de plus son rôle en dressant le tableau touchant et complexe d'un israélien arabe surdoué, Iyad. Ce dernier est envoyé dans un lycée très coté dans lequel il n'y a quasiment que des juifs. Bien entendu, après une période d'adaptation, le personnage principal se fait principalement des amis juifs. Les circonstances de la vie vont progressivement l'amener à faire des choix cornéliens...

En choisissant de quitter les chemins rabattus du conflit entre communautés, Eran Riklis fait un choix audacieux et payant. Le tableau qu'il dresse de l'évolution de son personnage au fil des années (le film s'étire sur une décennie) est sensible et complexe. Les acteurs et actrices y sont tous formidables, et la mise en scène, quoique sage, n'en est pas moins très efficace.

Sous ses abords proprets et doucereux, Mon fils s'avère bien plus complexe qu'il ne parait au premier abord. Malgré quelques imperfections, il mérite vraiment d'être vu et confirme l'excellente forme du cinéma israélien.

 

3e

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Imitation game

Dans le genre biopic sage et appliqué, difficile de faire plus intéressant.

D'abord la personnalité d'Alan Turing, mathématicien hors pair vaguement autiste, homosexuel et marathonien, est captivante.

Son histoire (il sauve des millions de personnes en décryptant les codes secrets allemands) est fascinante. 

Enfin, le réalisateur norvégien Morten Tyldum réalise son film correctement, en s'appuyant sur une sobriété plutôt élégante, au service d'une narration intéressante mélangeant hardiment (pour ce type de film...) trois époques différentes.

La soirée passée en compagnie de Benedict Cumberbatch (excellent), Keira Knightley (parfaite) et des très bons seconds rôles s'avère donc agréable, honorable et instructive.

Je cherche un peu en vain les raisons qui m'empêchent de mettre une note plus élevée au film : une petite déception que les aspects mathématiques soient si superficiellement survolés ? une impression que le contexte historique est un peu sacrifié au profit du spectaculaire (le cassage d'Enigma ne semble pas s'être déroulé d'une façon aussi limpide que le montre le film, le test de Turing est mal expliqué, il est peu probable que Turing ait décidé de qui allait vivre ou qui allait mourir) ? un léger manque de noirceur et/ou de profondeur ?

Pas un grand moment de cinéma, mais un bon moment de détente intelligente.

 

2e

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Hope

Des films sur les immigrants, on en a vu des tas. En provenance d'Amérique du Sud, de Grèce, ou d'Europe de l'Est.

Mais jamais l'impression de réalité n'a été aussi grande que dans ce premier film de Boris Lojkine. 

Une précision pour commencer : il s'agit bien ici d'une fiction, mes les deux personnages principaux sont incarnés par de vrais candidats à l'exil vers l'Europe, purs amateurs découverts par le réalisateur dans les ghettos de Rabat. Il n'y a d'ailleurs aucun acteur professionnel dans le film. Parmi les interprètes on trouve des bandits, des faussaires et un vrai chairman.

Hope est à la fois beau (quelle lumière, de nuit comme de jour), impressionnant par son aspect documentaire (les différents ghettos communautaires) et émouvant (grâce à Justin Wang et Endurance - la bien nommée - Newton, magnifiques). On comprend parfaitement en regardant le film que le business des migrants obéit à des lois économiques classiques, c'est à la fois terriblement banal et inquiétant. Ce que les hommes sont capables de faire aux hommes (et aux femmes) est tout simplement effrayant.

Le film restitue à la perfection l'horreur de la situation. L'innocence, l'espoir et l'amour sont brisés par la cupidité et le désir de pouvoir de quelques caïds, ainsi que par l'indifférence des populations spectatrices du drame (algériens et marocains), il faut dire en proie à d'autres types de difficultés.

Un très beau moment de cinéma, émaillé de scènes exceptionelles, comme le mariage ou la cérémonie vaudou. A voir absolument.

 

3e

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Wild

Filmer les pensées d'une femme qui marche : c'est le nouveau défi que se propose de relever Jean Marc Vallée.

Est-il réussi ? Pour moi, plutôt.

Bien sûr, d'aucun reprocheront au cinéaste québécois certain effets un peu faciles, une sentimentalité exacerbée jamais très éloignée de l'auto-apitoiement et une tendance à la répétition légèrement vulgaire. C'est un peu la marque de son cinéma, qui n'est pas très propre, ni très arty.

J'aime assez ce filon un peu rentre-dedans qui irigue les films de Jean Marc Vallée, ces imperfections manifestes et ses fulgurances géniales (ici, un reflet dans l'oeil d'un cheval qui ne s'expliquera que bien plus tard). Les souvenirs de Cheryl se répètent, s'entrelacent, certains sont brefs et d'autres s'étendent : exactement ce qui se passe dans le crâne d'un marcheur. Un état d'esprit entre méditation et ressassement.

On est bien sûr très loin du trip extrême de Christopher dans le presque homonyme Into the wild, puisqu'il s'agit ici d'une reconstruction, alors que Sean Penn racontait plutôt une destruction. Le film de Vallée est plus policé, moins intense, et moins maîtrisé. C'est un Into the wild en mode mineur, qui se permet même le luxe d'être drôle (comme dans cette jolie scène de journaliste photographiant les hobos à travers le pays).

Reese Witherspoon réussit à être presque laide dans ce film. Je me suis rendu compte à sa vision que je n'avais jamais vraiment remarqué cette actrice (pourtant vue plusieurs fois, comme par exemple dans Mud), alors qu'ici elle éclabousse l'écran de sa personnalité. 

A voir donc, en particulier si les deux lettres GR vous mettent des étoiles dans les yeux.

Jean Marc Vallée sur Christoblog : Café de Flore (**) / Dallas Buyers Club (***)

 

3e

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Snow therapy

Nul doute que le nouveau film de Ruben Ostlund va diviser la critique et les blogueurs. 

D'un côté, ses détracteurs reprocheront au film son sens du dispositif : les craquements d'une famille de bobo scandinaves en vacances aux sports d'hiver, examinés avec un microscope impitoyable et désincarné. Ceux-là dénigreront le film en le qualifiant de froid et de cynique. Il pointeront la machinerie visant à construire un film apte à être reconnu en festival (ce qui ne manqua pas d'arriver à Cannes où il emporta le Prix du jury Un certain regard).

Il y a peu, j'aurais peut-être pu me ranger dans cette catégorie. J'aurais pu alors parler d'une sorte de Haneke tentant de faire de l'humour.

Mais contre toute attente, j'ai beaucoup aimé le film, qui me semble infiniment plus complexe que son pitch. Bien sûr, Ostlund commence par démonter sciemment toutes nos petites hypocrisies contemporaines : une certaine lâcheté, la tentation du bonheur parfait (mais insipide), l'abandon de notre part d'animalité, les petites lâchetés, l'incapacité à se regarder en face, l'importance du paraître, les blessures de l'ego masculin, l'usure du couple, ce satané principe de précaution, etc.

Si ce n'est jamais franchement hilarant, c'est souvent insupportable de justesse et sidérant de cruauté (comme l'incroyable scène ou nos deux héros boivent une bière et se font aborder par une jeune femme), à tel point que le sourire (jaune, c'est vrai) est pratiquement toujours là.

La démarche serait un peu vaine  et factice, si Snow therapy n'était pas aussi un grand moment de cinéma. Ostlund y déploie une mise en scène souveraine et surprenante, qui mélangerait le sens du décors de Tati et la finesse des observations de Bergman. Son travail sur les sons est remarquable.

Il donne à voir une nature grandiose qui offre un contrepoint parfait à la mesquinerie de la petite famille. Il invente des scènes extrêmement surprenantes, telles celle qui met en scène un drone domestique flottant dans l'espace comme un OVNI. La diversion qu'apporte le couple de visiteur est aussi une idée brillante, qui apporte une échappatoire à l'enfermement mortifère du couple principal... avant de s'avérer un piège aussi redoutable.

Le film installe une atmosphère trouble et mystérieuse dans laquelle la réalité semble toujours à la limite du fantastique (cet étrange employé de l'hôtel toujours présent dans les moments de dispute, cette séquence de fin incroyablement ambigüe). En ce sens il dépasse et fait exploser le cadre dans lequel on pourrait être tenter de l'enfermer : une étude de caractère du bobo moderne.

Une oeuvre majeure, la première de 2015.

 

4e

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