Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christoblog

Articles avec #martin scorsese

Killers of the flower moon

Le dernier (l'ultime ?) film de Martin Scorsese est impressionnant à plus d'un titre.

Sa première grande qualité est certainement la fluidité du récit, la capacité qu'a Scorsese de simplement raconter une histoire, en utilisant tous les artifices d'un cinéma "classique" (décors, mouvements de caméra, styles de narration). 

Il n'y a rien de profondément novateur dans Killers of the flower moon, mais on peut probablement utiliser le film pour donner un cours dans une école de cinéma, tant au niveau de la variété d'écriture (par exemple la formidable séquence finale de reconstitution, ou la manière dont les photographies en noir et blanc sont utilisées) que de la mise en scène.

Ce grand talent de raconteur permet à Scorsese d'occuper pleinement les 206 minutes du film de façon satisfaisante. On ne s'ennuie presque pas. Le film a d'autres qualités, parmi lesquelles l'utilisation incroyable de la musique, vraiment de toute beauté, et la très jolie photographie.

Pourtant je ne partage pas l'avis des critiques les plus dithyrambiques, pour la raison suivante : j'ai globalement trouvé que les personnages n'étaient pas dessinés avec beaucoup de subtilité et surtout n'évoluaient pas tout au long du film, ce qui entraîne de longues plages de stagnation narrative.

Ernest par exemple, joué par Leonardo di Caprio, est un benêt sous influence qui commet les pires atrocités sans états d'âme apparents : j'avoue que j'ai eu du mal à entrer dans son jeu, marqué par une moue un peu trop démonstrative à mon goût.

Je pourrais multiplier les exemples concernant les autres personnages, mais c'est surtout la peinture que le film fait de la communauté indienne qui me dérange le plus : passive, quasiment complice de sa propre disparition (à l'image du personnage sacrifié de Mollie qui semble pardonner à son mari l'assassinat de ses soeurs) et monolithique.

Pour résumer, le film se laisse voir semble déplaisir, mais aurait gagné à caractériser plus finement ses personnages.

Martin Scorsese sur Christoblog : Shutter island - 2010 (**) / Hugo Cabret - 2011 (***) / Le loup de Wall Street - 2013 (****) / Silence - 2016 (***) / The irishman - 2019 (***) 

 

2e

Voir les commentaires

The irishman

En réunissant à l'écran Joe Pesci, Al Pacino et Robert de Niro pour cette crépusculaire histoire de mafiosi, Scorsese semble vouloir  donner à son oeuvre une sorte de codicille pré-posthume.

Le résultat se regarde facilement, sans une seconde d'ennui, tellement le script est fluide et l'intrigue passionnante. La petite histoire (la destinée d'un tueur anonyme) rencontre la grande (les Kennedy et la mafia), et forme un ensemble qui se dévore, comme une série. 

L'amitié entre le personnage de Jimmy Hoffa (extraordinaire Pacino) et son homme de confiance (un de Niro aux drôles de mimiques figées, probablement par la faute du fameux de-aging) est le coeur du film, et la trahison sans état d'âme du second illumine comme un diamant noir la fin élégiaque de cette saga aux multiples ramifications.

Si on reconnaît le savoir-faire inégalable de Scorsese, on ne peut s'empêcher de remarquer ici ou là les symptômes d'une certaine nonchalance dont on ne sait s'il faut l'imputer au support Netflix (faites ce que vous voulez...), à l'âge ou au sentiment que le chose racontée vaut désormais plus que la façon dont on la raconte. 

La mise en scène n'a donc pas la précision des chefs-d'oeuvre de la grande époque (Casino, Les affranchis), elle est même assez quelconque. Cela ne gâche pas le plaisir que procure la vision de ce film fleuve qui aurait probablement mérité un traitement en mini-série.

 

3e

Voir les commentaires

Silence

Alors oui, c'est long. Mais croyez-moi, les 2h42 passent plutôt bien : disons que le film donne l'impression de durer 2h bien tassées. D'ailleurs, la salle 4 du Majestic de Lille, bourrée à craquer, n'a pas moufté pendant toute la séance.

Si le film est agréable à regarder, c'est d'abord parce que son sujet est instructif. Il s'agit de suivre deux missionnaires jésuites et portugais en mission d'évangélisation au Japon. Scorsese réussit à nous intéresser en nous montrant comment les néo-convertis japonais sont prêts à mourir pour leur foi (c'est quand même curieux quand on y pense, même les jésuites semblent surpris). Dans un deuxième temps, les deux héros sont séparés, et on s'intéresse plutôt à l'un des deux, joué par le transparent mais agréable Andrew Garfield. Le sujet devient alors plutôt la façon dont les redoutables japonais tentent habilement de faire renier son Dieu au jeune (mais naïf) religieux.

Le film ne donne alors pas seulement à voir des dilemmes moraux classiques, mais explore véritablement toutes les facettes du problème, avec notamment une prestation très subtile de Liam Neeson, en ancien jésuite intégré à la société japonaise.

C'est souvent intellectuellement très stimulant, et aussi parfois très beau. La mise en scène de Scorsese, classique et géométrique, trouve ici un champ qui lui convient parfaitement : il y a dans la civilisation japonaise ce sens de la symétrie et de la pureté qui est aussi celui de Scorsese. De rares fois, ce dernier est tellement formaliste que le film devient un peu ampoulé, mais ce n'est pas très grave

Malgré un tout dernier plan qui nuit à l'âpreté jouissive du film, Silence est une expérience qui vaut le déplacement.

 

3e

Voir les commentaires

Le loup de Wall Street

Bien sûr, il y a des airs de déjà vu dans Le loup de Wall Street qui empêchent de considérer le film comme une réussite absolue.

La fantaisie débordante de Di Caprio rappelle celle qui était la sienne dans Catch me if you can, son ascension rappelle celle des mafiosi des Affranchis, ses addictions maladives celles d'Aviator, etc.

Les bimbos renvoient à Springbreakers, la nébulosité des transactions financières à Margin call, la bêtise de certains protagonistes et l'argent facile allié à la critique d'une certaine Amérique à No pain no gain : le dernier Scorsese est une somme qui récapitule une année - et peut-être même une décennie - de cinéma américain.

Tout y est assez merveilleusement agencé. Leonardo Di Caprio est a proprement parler étourdissant, utilisant tous les registres possible de l'acteur, et multipliant les morceaux de bravoures (les harangues à ses troupes sont toutes des séquences d'anthologie), tandis que Scorsese semble au sommet de sa forme, utilisant tous les procédés connus de mise en scène et se permettant quelques fantaisies (la Ferrari qui change de couleur parce que la voix off avoue s'être trompé).

Les sous-textes du film sont riches et complexes, et pourraient donner lieu à de multiples digressions : rêve américain dévoyé, bulle financière, libre entreprise contre mépris du consommateur, hédonisme contre sobriété, drogue comme dopant de la créativité, place des femmes aux USA, etc...

Le film est monté superbement, nous entraînant dans un tourbillon qui fait paraître les trois heures bien courtes même si le film connaît un tout petit coup de mou vers le milieu, et une fin légèrement décevante.

Un excellent moment de cinéma au final.

 

4e

Voir les commentaires

Hugo Cabret

Pourquoi n'ai je pas été voir ce film à Noël ?

Je me le demande encore, tellement sa magie entre en résonnance avec la période du sapin, de la crèche et des contes.

Son aspect artificiel, dont les décors en carton-pâte sont la parfaite illustration, est d'ailleurs à la fois sa force et sa faiblesse. Si on y croit, on écrasera probablement une petite larme en se laissant entraîner comme un gamin (ce fut mon cas). Si on n'y croit pas, le film pourra paraître indigeste comme un loukoum trop sucré.

Le film me réconcilie avec Scorsese, avec qui j'étais en froid depuis Casino. Un beau moment de cinéma, qui sonne à la fois comme un cadeau et un testament.

Et maintenant au boulot. Idées de dissertation :

  • A partir de la photo ci-dessus (Scorsese se met lui-même en scène en train de photographier Mélies), vous expliquerez en quoi le film constitue un hommage au cinéma en général , et de quelle façon il utilise la mise en abyme pour le faire.
  • A partir des oeuvres récentes de Woody Allen, Christopher Nolan, et Martin Scorsese, vous analyserez la vision qu'ont de Paris les cinéastes américain du XXIème siècle. Vous comparerez à la vision qu'en ont eu Minelli, Wilder et Polanski.
  • Explicitez le rôle que joue l'automate dans Hugo Cabret. Représente-t-il le cinéma ? Expliquez comment il relie tous les personnages du films, et concluez sur le regard de ses orbites vides dans le dernier plan du film.
  • Le cinéma répare-t-il les êtres ou construit-il les rêves ? Illustrez votre proposition par des scènes du film.
  • Hugo Cabret, film des passages. Vous commenterez cette assertion en examinant successivement les notions de passages secrets, de transmission des savoirs et de rite de passage à l'âge adulte.
  • Lorsque le gendarme sauve Hugo, peut-on dire qu'il agit en automate ? Pourquoi cette scène peut-elle être considérée comme un point nodal du film ?
  • Vous analyserez les sources littréaires du film (Hugo, Dickens, Stevenson, Verne) et détaillerez comment elles nourrissent la narration à travers trois thématiques : les orphelins, les machines et la destinée.
  • Trucages et illusions : couleur, 3D, effets spéciaux, images de synthèse. L'illusion moderne est elle plus moderne que l'illusion au temps de Mélies ? Argumentez.

 

3e

Voir les commentaires

Shutter island

Quelque chose cloche dans le scénario que Laeta Kalogridis (plutôt habituée à travailler sur les scénarios de Terminator Genisys ou de la série Altered Carbon), a élaboré à partir du roman de Dennis Lehane.

Ce dernier, que j'ai lu avant de voir le film, ne laissait rien deviner du retournement final. Dans le film, au contraire, les visions du héros donnent très vite des pistes sur sa santé mentale.

C'est un parti-pris osé, qui tente de se démarquer du procédé du "twist final qu'on a vraiment pas pu venir", utilisé abondamment par Le sixième sens et tous ses dérivés.

L'effort est louable. Pourtant, cela ne fonctionne pas. Le film parait boursoufflé, lourd, artificiel, parfois grand-guignolesque, et même mièvre. Scorsese a beau épuiser toute la panoplie de parfait metteur en scène, la mayonnaise ne prend pas. Prenez un dictionnaire concernant les techniques de prise de vue, et cochez au fur et à mesure, je pense que vous constaterez que Scorsese utilise tout  : du très gros plan au plan le plus général, de la contre plongée intégrale à la plongée verticale, toutes les sortes de travelling possibles, etc.

Mais la virtuosité n'entraîne pas forcément l'émotion.

Au contraire ?

 

2e

Voir les commentaires