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Christoblog

May december

Au milieu du concert de louanges qui entourent la sortie de ce film, mon avis plus mesuré va probablement détonner, comme souvent quand il s'agit pour moi d'apprécier le travail de Todd Haynes.

Je trouve en effet que le cinéma du réalisateur américain peut être parfois froid et didactique, au point de paraître compassé (Carol, Loin du paradis). 

May december commence de manière très intéressante. Le rythme est alerte, le décor de la maison familiale parfait, et j'ai été diablement intrigué par ce que le film ne dévoile que très progressivement : une histoire à tiroir qui prend au début plaisir à nous égarer, dans un subtil jeu de miroir. Le jeu "neutre" de Julianne Moore contribue assurément à l'atmosphère de malaise latent que distille le film : mais que s'est il passé dans cette famille modèle ?

Lorsque l'on comprend de quoi il retourne et ce qui reproché à Gracie, l'intérêt tombe d'un coup. Peut-être parce que l'aspect scandaleux des évènements ne nous frappe pas autant que les Américains. Le milieu du film est un ventre mou dans lequel il ne se passe plus grand-chose, jusqu'à ce que le scénario essaye de le relancer dans un registre proche du grotesque, Natalie Portman rejouant (assez mal, il faut le dire) ses allures machiavéliques de Black Swan, entamant une danse de mort aussi artificielle que creuse.

La scène de sexe dans la réserve de l'animalerie tombe totalement à plat (quelle idée saugrenue), et May december, qui jusque là captivait ou a minima intriguait, sombre alors petit à petit dans l'inconfort du ridicule.

Todd Haynes sur Christoblog : Loin du paradis - 2002 (*) / Carol - 2015 (**) / Le musée des merveilles - 2017 (****) / Dark waters - 2019 (****)

 

2e

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La fille de son père

Le deuxième film d'Erwan Le Duc commence très bien, par une première séquence réussie de cinq minutes, où l'on voit toute une vie se dérouler sous nos yeux, sous forme de scènettes tantôt émouvantes, tantôt drôles.

On retrouve ensuite une partie des qualités qui rendaient si plaisant le premier film de Le Duc, l'adorable Perdrix : des personnages un peu lunaires, des situations cocasses souvent très drôles. Les dialogues entre le père (Nahuel Perez Bizcayart) et le mec (Mohammed Louridi) sont en particulier délectables, construit sur la base d'un cocktail de cruauté, de vérité et d'originalité.

La fantaisie est toutefois un peu moins percutante et précisément mise en scène que dans Perdrix. Quand le père croit voir le visage de sa femme (qui a quitté le domicile familial il y a des années) dans un documentaire sur le Portugal, le film glisse vers une sorte de mélodrame assez peu agréable. Le père erre dans les rues portugaises comme dans une carte postale, et tombe par hasard sur ... sa fille, ... puis sa femme. 

Toute cette seconde partie est assez bancale, et c'est finalement son goût amer qui l'a emporté sur le plaisir que m'avait apporté la première.

Erwan Le Duc sur Christoblog : Perdrix - 2018 (***)

 

2e

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Bernie

Regarder aujourd'hui le premier film d'Albert Dupontel, après avoir vu la quasi-totalité de sa filmographie ultérieure, procure de curieuses sensations.

J'ai tout d'abord été ravi de découvrir la première expression de la fantaisie noire et débridée de Dupontel, déjà ici présente, tout en étant surpris par l'aspect très trash qu'elle a tout d'abord revêtu (le sang, la clé dans le rectum, et autre joyeusetés).

J'ai aussi été satisfait de constater, comme c'est souvent le cas, la permanence des caractéristiques qui font un véritable auteur, aussi bien en ce qui concerne les thématiques (le désespoir et la volonté d'amour simultanés, l'incommunicabilité, l'inadaptation de certains êtres, la fin tragique) qu'au niveau de la mise en scène (les cadrages bizarres, les mouvements de caméra acrobatiques).

Le niveau technique m'a enfin paru très en retrait de celui des films suivants de Dupontel. On a ici une atmosphère de film bricolé, bien loin de la perfection technique d'une oeuvre comme 9 mois ferme.      

En synthèse, s'il n'a plus le pouvoir de déflagration provocatrice qu'il devait présenter en 1996, Bernie reste un film vif et plaisant, et un véritable plaisir de découverte.

Albert Dupontel sur Christoblog : 9 mois ferme - 2012 (****) / Au revoir là-haut - 2017 (**) / Adieu les cons - 2020 (***) / Second tour - 2023 (**)

 

2e

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Si seulement je pouvais hiberner

Ce premier film de la réalisatrice mongole Zoljargal Purevdash présente un avantage notable : il dresse un superbe tableau de la vie quotidienne d'une famille défavorisée dans la banlieue d'Oulan-Bator.

Cet aspect documentaire du film est esthétiquement réussi (les paysages sont magnifiques), mais aussi intéressant d'un point de vue culturel (les méthodes locales pour soigner la maladie sont très curieuses !) .

Le versant fictionnel du film est moins convaincant. L'intrigue est superficielle et ne m'a pas vraiment convaincu. Si seulement je pouvais hiverner présente cet aspect un peu lisse et brillant de certaines productions internationales en provenance de pays en manque d'infrastructures cinématographiques. 

La mécanique de descente vers les enfers de la pauvreté est assez classiquement détaillée avec toutes les étapes classiques de ce genre de film, tout en évitant d'exposer des évènements violents : talent sacrifié (ici pour la science), volonté de garder sa dignité, caractère inadapté des aides sociales. 

A voir si vous aimez la Mongolie ou si vous êtes curieux.

 

2e

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Indiana Jones et le cadran de la destinée

Que vaut le dernier (l'ultime ?) Indiana Jones ?

Pas grand-chose à mon sens.

La scène d'ouverture donne le ton. Ce long pré-générique égrène toute une série de poncifs éculés (les nazis, le combat sur le toit du train, le pont dynamité), ici remixés dans une immonde tambouille d'effets numériques tous plus visibles et ratés les uns que les autres. La tête d'Harrisson Ford rajeuni est particulièrement moche.

Le film souffle terriblement de la comparaison avec les scènes d'action spectaculaires et réalistes du dernier Mission Impossible

Quand le film revient au présent, on est fugacement séduit par la façon dont le scénario semble vouloir montrer le corps fatigué et vieilli du héros. On se prend alors à rêver d'un Indy en fauteuil roulant, maniant l'humour plus que son fouet. 

Malheureusement, le naturel revient vite et notre héros gambade, escalade et saute à quatre-vingt balais comme il le faisait à vingt, l'imagination en moins. Comme les personnages secondaires ne sont pas vraiment développés (et c'est dommage, car le personnage qu'incarne Phoebe Waller-Bridge est intéressant), on s'ennuie un peu, jusqu'à une dernière demi-heure surprenante et assez bien menée, qui sauve un peu la mise.

Une déception, même si la sourde nostalgie distillée avec parcimonie tout au long du film sauve celui-ci de la catastrophe.

James Mangold sur Christoblog : Le Mans 66 - 2019 (**)

 

2e

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Les colons

Ce premier long-métrage du réalisateur chilien Felipe Galvez Haberle est remarquable à plus d'un titre.

Son thème est passionnant et assez peu montré au cinéma : Les colons montrent commet les autochtones du sud chilien ont été massacrés au début du XXième siècle, par la volonté de riches propriétaires terriens voulant accroître leurs propriétés.

Sa forme, d'une beauté sidérante, est ensuite remarquable. La mise en scène est âpre et sans fioriture, et la photographie met en valeur de somptueux et immenses paysages (j'ai pensé à ceux de films comme Jauja ou Godland).

Sa structure enfin est extrêmement efficace. Le film est composé de plusieurs parties, dont la dernière nous projette habilement plusieurs décennies après l'action de la première, dans une scène extrêmement forte.

Je conseille donc vivement ce premier film d'une force redoutable, pour peu que vous supportiez l'exposition d'une violence frontalement exposée, qui donne une idée particulièrement réaliste de la dureté de la vie à cette époque et dans cette région.

 

3e

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Cette sacrée vérité

Leo McCarey est sûrement un des cinéastes hollywoodiens "classiques" les plus sous-estimés. Alors que l'on cite souvent Franck Capra ou Ernst Lubitsch lorsqu'on évoque l'âge d'or des comédies américaines, on oublie souvent le réalisateur de Elle et lui, ou de Cette sacrée vérité.

Le somptueux coffret que vient d'éditer Wild Side est l'occasion de découvrir ce bijou de comédie, dans lequelle tout semble parfaitement à sa place.

Le couple formé par Irene Dunne et Cary Grant (c'est sûrement son premier grand rôle) est absolument parfait, et tout dans le film respire l'intelligence et le talent : une écriture au cordeau, une précision d'orfèvre dans la mise en scène, un sens du burlesque qui nous rappelle que Cary Grant fut acrobate avant d'être acteur, des thématiques profondes et un sens du spectacle qui rend chaque scène délectable.

Chef d'oeuvre de ce genre que Stanley Cavell appelait "Comédie de remariage", Cette sacrée vérité peut être vu de multiples fois, tant sa sophistication se prête à de multiples observations et interprétations. L'analyse de Charlotte Garson dans les suppléments est d'ailleurs particulièrement éclairante et donne beaucoup de clés de lecture.

Un film qu'il faut vraiment avoir vu si on aime le Hollywood classique.

 

4e

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Jeunesse (le printemps)

Avant d'aller voir ce film, il faut connaître la méthode Wang Bing : poser sa caméra dans un milieu déterminé, filmer sans discontinuer pendant des mois, puis monter ensuite un film de plusieurs heures à partir de centaines d'heures de rush.

Ici, le milieu observé est celui d'usines textiles à Zhili, où travaillent de jeunes provinciaux. On les voit donc travailler à une vitesse incroyable, vivre des histoires d'amour, dormir sur place dans des conditions difficiles, appeler leur famille, vivre enfin.

L'effet de réalité, ici amplifié par la répétition de certains cycles (travailler, écouter de la musique, dormir) et par l'aspect robotique de la tâche effectuée, est sidérant, comme toujours chez Wang Bing. Le film est découpé de telle façon qu'on suit alternativement différentes personnalités, mais c'est évidemment le tableau social d'ensemble qui intéresse le réalisateur chinois : les péripéties individuelles (l'engueulade brusque, la menace de grève, l'avortement) importent bien moins que la description d'un monde qui semble hors du temps.    

Le sujet est ici moins impressionnant que d'autres déjà traités par Wang Bing (la fermeture d'un immense complexe industriel, la mort, la folie, l'isolement des enfants). C'est peut-être ce qui rend Jeunesse (le printemps) un peu moins passionnant que des chefs d'oeuvre comme A la folie ou A l'ouest des rails, mais le film procure tout de même une gamme de sensations qu'aucun autre type de film ne peut procurer.

Wang Bing sur Christoblog : A l'ouest des rails - 2004 (***) / Le fossé - 2012 (**) / Les trois soeurs du Yunnan - 2014 (****) / A la folie - 2015 (****) / Madame Fang - 2018 (***) 

 

3e

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Sirocco et le royaume des courants d'air

Je n'aime pas beaucoup dire du mal d'un film comme celui-ci, qui tente beaucoup de choses, et de façon très honorable.

Les images sont parfois sublimes, le scénario est intéressant et quelques idées secondaires (le bestiaire) agréables. 

Mais malgré ses qualités, Sirocco et le royaume des courants d'air ne parvient à convaincre totalement, ne parvenant pas vraiment à creuser un sillon homogène et personnel. Ainsi, l'histoire est à la fois enfantine et complexe, les influences multiples et parfois trop marquées (des éléments de décors rappellent furieusement Miyazaki alors que d'autres renvoient de façon évidente à l'histoire de l'animation française), les émotions sont inexistantes, l'animation parfois sommaire et les personnages manquent globalement de caractérisation.

J'ai assisté au film, comme parfois on peut assister à une fête d'école : sans être enthousiasmé, et en ayant presque honte de ne pas aimer.

 

2e

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Mon ami robot

Formidable pari que celui mené par Pablo Berger : faire un film d'animation pour adulte d'1h42, sans parole, mettant en scène un chien et un robot.

Franchement, sur le papier, on ne donne pas cher du résultat. Et pourtant, le film fonctionne parfaitement bien : on est d'abord intrigué, puis surpris et amusé, avant d'être au final ému.

La réussite du film tient au talent du réalisateur espagnol. Sa mise en scène regorge en effet d'effets amusants et de trouvailles visuelles, qui exploitent parfaitement les ressources de l'animation. L'histoire est ensuite particulièrement subtile, décrivant des sentiments complexes et "adultes" (la solitude, la mélancolie, l'attachement, le deuil, la reconstruction), tout en suscitant chez le spectateur de multiples interrogations, dont une m'a semblé particulièrement intéressante : il n'est pas facile de déterminer si le sentiment qui unit Dog à Robot est de l'amitié ou de l'amour.

Cela n'a pas une énorme importance, me direz-vous, mais je pense que c'est le premier film dans lequel je me pose cette question aussi clairement. Je signale enfin que les décors New-Yorkais sont de toute beauté et que la musique est formidable.

Mon ami robot est un donc un divertissement idéal, et l'un des meilleurs films d'animation de l'année.

Pablo Berger sur Christoblog : Blancanieves - 2013 (***)

 

3e

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Past lives

Il arrive parfois qu'un premier film sorte un peu de nulle part (autrement dit, qu'il n'ait pas été à Cannes) et enthousiasme par sa fraîcheur et sa profondeur.

C'est le cas de ce premier film de Celine Song, américaine d'origine coréenne, qui avait frappé les esprits à Berlin et Deauville, et qui rencontre un fort joli succès en salle depuis sa sortie en France.

L'histoire est simple, assez peu originale, et aussi peu spectaculaire que possible. Elle se déroule en trois temps : une petite fille et un petit garçon s'aiment en Corée à l'âge de neuf ans, les deux protagonistes se retrouvent par internet douze ans après, puis encore douze ans plus tard, à New-York, alors qu'elle a construit sa vie là-bas, avec un mari américain, et que lui est ingénieur en Corée.

Il ne se passe quasiment rien en dehors du résumé que je viens d'en faire. Tout l'intérêt du film réside uniquement dans la fine captation par la caméra des infimes mouvements psychologiques qui traversent les deux personnages principaux, superbement joués par Greta Lee et Yoo Teo. 

Il y a quelque chose de vraiment bouleversant dans ce qui se joue entre ces deux-là, qui dépasse de très loin le cadre de l'attirance ou même de l'amour, pour aborder des contrées encore plus intéressantes : l'adieu à l'enfant qu'on a été (c'est d'ailleurs probablement le thème central du film, comme le montre le sublime flash-back nocturne de la fin), le respect envers les autres (les incroyables échanges entre Arthur et Hae Sung) et enfin, l'examen des fines ridules du temps à la surface de nos existences.

C'est très, très beau.  

 

4e

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La chimère

Je n'ai jamais aimé le cinéma d'Alice Rohrwacher, et ce n'est pas ce film qui va me faire changer d'avis.

On retrouve dans La chimère ce qui fait la signature de la réalisatrice italienne : un mélange de milieux décalés, de faux documentaire, d'esthétique un peu cradingue, de formalisme toc (le format du cadre), de fantastique et de chronique sociale.

Le résultat est parfois intriguant (la découverte du milieu des chasseurs d'antiquités étrusques), mais le plus souvent à mon sens quelconque, et même par moment ridiculement prétentieux (le "fil d'Ariane"). Comme souvent, la réalisatrice répugne à donner des éléments de contexte aux scènes qu'elle nous proposent, ce qui laisse souvent le spectateur au bord du chemin.

Plus encore que dans ses films précédents, c'est une impression de bric et de broc non maîtrisé qui prédomine à la sortie de la séance, comme si Alice Rohrwahcher ne savait pas elle-même ce qu'elle avait voulu raconter.

A un moment, un personnage regarde la caméra et assène une phrase définitive : "Si on avait eu l'héritage des Etrusques plutôt que celui des Romains, les Italiens seraient moins machistes". On se demande à ce moment-là où le film veut nous emmener, entre considération historique approximative, rêverie poétique, éloge de la sororité, effet de style et critique de la société italienne contemporaine.

De ce brouet inégal ressort l'interprétation subtile de l'acteur anglais Josh O'Connor, dont le jeu lunaire et incarné se marrie bien à l'univers de l'Italienne.

Alice Rohrwacher sur Christoblog : Corpo celeste - 2011 (**) /  Les merveilles - 2015 (*) / Heureux comme Lazarro - 2018 (**)

 

2e

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L'innocence

Hirokazu Kore-Eda est probablement le réalisateur en activité qui sait le mieux filmer l'enfance, et il le prouve encore ici.

L'innocence commence comme un thriller psychologique mettant en évidence le corsetage extrême de la société japonaise.

On est tour à tour intrigué et choqué par le premier tiers du film, qui semble traiter du harcèlement d'un élève par son professeur. On perçoit qu'il y a dans ce qui nous est montré plusieurs éléments étranges, dont on devine qu'ils seront expliqués ultérieurement. 

Dans les deux parties suivantes, le cinéaste japonais utilise un "effet Rashomon" évolué (chaque nouveau récit apporte un nouveau point de vue différent sur l'histoire), mais assez subtil (les mêmes scènes ne sont pas à chaque fois totalement rejouées comme c'est parfois le cas dans ce genre de construction). Cette structure séduisante a valu au film le prix du scénario lors du dernier Festival de Cannes. 

Curieusement, au fur et à mesure que la vérité se dévoile (un peu trop vite à mon goût, et vers une issue un peu trop prévisible), mon intérêt a progressivement faibli, même si les principales qualités de Kore-Eda sont bien présentes : une attention extrême aux affects et à la psychologie, une grande subtilité dans l'analyse des rapports humains, une sorte de froide dureté associée à de grandes capacités empathiques. 

Les beaux plans larges, la musique envoutante de Ryuichi Sakamoto, la mise en scène millimétrique et la merveilleuse direction d'acteurs contribuent à faire de ce dernier opus un bon cru dans carrière d'Hirokazu Kore-Eda.

Hirokazu Kore-Eda sur Christoblog : Nobody knows - 2003 (**) / Still walking - 2008 (***) / Air doll - 2009 (**) / I wish - 2012 (***) / Tel père tel fils - 2013 (***) / Notre petite soeur - 2014 (****) / Après la tempête - 2016 (***) / The third murder - 2017 (**) / Une affaire de famille - 2018 (****) / La vérité - 2019 (**) /  Les bonnes étoiles - 2022 (****)

 

3e

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Misanthrope

Moins délirant que le formidable Les derniers sauvages, qui fit connaître Damian Szifron en France, Misanthrope est un polar nerveux et super efficace, porté par un duo hors du commun interprété par la jeune Shailene Woddley et l'insaisissable Ben Mendelsohn (qui irradiait la série Bloodline).

On a rarement vu une mise en scène aussi précise et un montage aussi alerte dans le cadre d'une traque de tueur en série. De la première scène époustouflante au final assez classique, mais d'une belle tension, on suit avec un plaisir constant une suite d'évènements qui s'enchaînent dans une belle unité de style et d'ambiance.

C'est évidemment les capacités à percevoir la dépression du tueur par empathie qui rend le personnage de la jeune enquêtrice Eleanor si attachant. Shailene Woddley, qu'on avait découverte en fille de Georges Clooney dans The descendants, parvient à donner à son personnage une épaisseur mélancolique et attentionnée dont on se souvient.

De la belle ouvrage, qui amène à souhaiter que Szifron s'attaque à d'autres sujets.

Damian Szifron sur Christoblog : Les nouveaux sauvages - 2014 (****)

 

3e

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Augure

Le premier film de l'artiste d'origine congolaise Baloji (acteur, musicien, réalisateur, styliste, performeur) est une découverte étonnante.

Le début du film est délicieux. Koffi rentre au pays pour présenter sa femme, aussi blonde que lui est noir, mais les choses vont très mal se passer suite à un malentendu causé par trois malheureuses gouttes de sang.

Enchaînement loufoque d'évènements bizarres, racisme dans tous les sens, tableau sensible de la vie quotidienne, scènes de rue impressionnantes, songes poétiques : on est happé par cette entrée en matière.

Augure perd ensuite un peu en intensité, multipliant les histoires parallèles dans un creuset dont on comprend vaguement qu'il parle de transmission, mais qui ne se raccordent pas forcément au début du film.

Sans être parfaitement réussi, le film de Baloji brille par sa puissante vitalité et révèle un réalisateur qui pourrait dans les années à venir donner de l'Afrique une vision plus moderne et plus déliée que celle que nous offrent les "anciens" du continent (Abderrahmane Sissoko, Mahamat-Saleh Haroun).  

 

2e

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Gladiator

En attendant la sortie de Gladiator 2 en 2024, j'ai récemment comblé une grosse lacune en regardant enfin Gladiator.

Le film est passionnant par les émotions  et sensations diversifiées (voire contradictoires) qu'il procure.

Ainsi, l'impression saisissante de réalisme générée par les scènes d'action trouve un parfait contrepoint dans l'aspect fake et kitsch des images concernant le voyage de Maximus d'Allemagne jusqu'à sa demeure espagnole. La nervosité de certaines phases du scénario contraste avec de longues plages assez monotones, rendant le film très curieux à appréhender. Les approximations historiques (le matériel de guerre de la scène d'ouverture est complètement anachronique, les relations entre personnages en grande partie réinventées) n'empêchent pas de louables efforts de vulgarisation (il est très plaisant de voir Marc Aurèle écrire ses ouvrages philosophiques sur le front).

Bref, Gladiator est un film généreux, foutraque, mal léché, qui a entraîné mon adhésion par la qualité de l'écriture de sa dernière partie (il fallait oser être aussi noir) et l'interprétation absolument parfaite de son casting : Russel Crowe tout en retenue, Joaquin Phoenix pas commode, et Connie Nielsen idéalement lisse. 

Ridley Scott réussit à ressusciter la saveur lointaine de soirées passées à frémir devant Ben Hur, Les dix commandements ou Cléopâtre, et rien que pour cela, il peut être remercié.

Ridley Scott sur Christoblog : Blade runner - 1982 (****) / Prometheus - 2012 (*) / Seul sur Mars - 2015 (**) / House of Gucci - 2021 (**) / Le dernier duel - 2021 (***)

 

3e

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Soudain seuls

Pendant toute la séance, je me suis demandé quel était l'intérêt de projeter une scène de ménage de couple en train de se défaire dans l'environnement grandiose de l'Antarctique (en fait l'Islande).

Dans ce drôle de survival, rien ne semble intéresser moins les deux protagonistes que ... survivre. Ils préfèrent en effet s'envoyer des saloperies à la figure (pour ensuite, classiquement, baiser furieusement), plutôt que d'échanger sur la méthode à suivre pour ne pas mourir. 

Ainsi la nourriture semble être le cadet de leur soucis, comme d'ailleurs l'exploration des environs ou la consolidation de leur abri de fortune. Il semble par contre essentiel de se rappeler combien tel ex était vraiment un connard, ou telle maîtresse une belle salope. 

Bref, on ne croit pas un seul instant aux personnages joués par Gilles Lelouch (imbuvable, stupide, ridicule) et Mélanie Thierry (un peu plus crédible).

Quant à la fin du film, elle brille également par son invraisemblance totale : comment imaginer que Laura, déjà affaiblie, survive à deux nuits dans la neige, sans manger ? 

C'est donc raté, malgré de belles images et.... des pingouins. On attendait beaucoup mieux du scénariste attitré des films de Jacques Audiard.

  

1e

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Perfect days

Il est très difficile de faire ressentir la poésie au cinéma. Je connais très peu de films dont je pourrais dire qu'il m'ont ému "poétiquement" (Bright star, Poetry).

Perfect days y parvient, par le biais d'une succession de répétition, un peu comme le tentait maladroitement le Paterson de Jarmusch. La même journée semble se répéter durant tout le film, avec ses rituels anodins, son apparente monotonie et ses activités quelconques (le personnage principal nettoie les toilettes publiques).

Mais Hirayama (joué par Koji Yakusho, récipiendaire mérité du prix d'interprétation à Cannes) semble trouver son épanouissement dans cette journée sans fin à la mode tokyoïte, entre autre inspiré par la transcendance de la lumière à travers les feuillages d'arbre (les Japonais appelle cela le komorebi), qu'il aime photographier.

Les rares distractions qu'invente le scénario (quelques rencontres fugaces, une poignée de frêles amitiés) sont comme les ridules qui se forment à la surface d'une eau calme après qu'un corps y a pénétré : elles ne troublent que temporairement et superficiellement la sérénité d'Hirayama, tout entier consacré à la recherche de la quiétude au travers de l'observation du monde.

Le film se conclut par des plans d'une ampleur incroyable, qui m'ont littéralement arraché des larmes tellement leur beauté m'a atteint en plein coeur, me faisant soudainement ressentir toute la beauté et la fugacité de la vie.

Wim Wenders sur Christoblog : Pina - 2011 (**) /  Every thing will be fine - 2015 (*) / Anselm (Le bruit du temps) - 2023 (**)

 

3e

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Un hiver à Yanji

Anthony Chen, réalisateur singapourien à qui on doit l'excellent Ilo Ilo, possède une palette pleine de délicatesse et de poésie, qui peut faire penser à un certain cinéma français (Rivette, Rozier, Truffaut).

On suit ici trois jeunes gens dépressifs qui se rencontrent par hasard et vivent ensemble quelques situations évanescentes et anecdotiques (par exemple une promenade dans la montagne enneigée à la recherche d'un lac perdu). 

L'intérêt du film réside dans le miroitement de leur solitudes superposées, qui rend leur rencontre plus intéressante que leur existence individuelle, et qui brille dans un paysage lui-même incertain, morceau de Chine perdu aux confins de la Corée du Nord, dans une sorte de no-man's land fantasmatique et glacé. 

L'écriture est fine au point de parfois paraître absconse, et la mise en scène élégante jusqu'à devenir invisible. Cette histoire de Jules et Jim sotte voce pourra donc décevoir.

Ce tableau délicat de la jeunesse chinoise contemporaine est à déguster si vous êtes friand de cinéma asiatique racé.

Anthony Chen sur Christoblog : Ilo Ilo - 2013 (***)

 

2e

 

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Le monde après nous

Disponible sur Netflix, le dernier film du créateur de Mr Robot, Sam Esmail, commence plutôt bien.

Un couple de New-Yorkais fortuné (Ethan Hawke / Julia Roberts) et leurs deux enfants passent un week-end dans une maison luxueuse des Hamptons, quand tout à coup une cyber attaque supprime tous les moyens de communication. Lorsque le propriétaire de la maison revient tout à coup chez lui (le toujours excellent Mahershala Ali), la situation se tend....

La première partie du film est intéressante : les relations entre tous les personnages sont assez finement décrites. Les intéractions dans la famille ne sont pas caricaturales, et les réactions de Julia Roberts, teintées de racisme latent, lorsque le propriétaire revient chez lui, sont bien vues. Comme à ce moment-là les effets de la cyber-attaque sont spectaculaires et d'une certaine façon crédibles, on est réellement captivés.

Malheureusement le film ne sait pas trop dans quelle direction aller dans sa deuxième partie. Il tourne en rond, multiplie les signes qu'il ne déchiffrera pas (les cerfs, le son, la cabane, la maladie du garçon) et les relations entre les personnages s'effilochent progressivement, jusqu'à une fin ambigüe qui évite de conclure.

C'est dommage. Il y avait une belle sensibilité au début du film qui aurait pu éclore si le scénario avait été plus maîtrisé. La mise en scène lorgne du côté de Hitchcock, de Fincher et de Kubrick, avec des mouvements de caméra inutilement virtuoses, sans convaincre tout à fait.

C'est donc au final plutôt raté, mais de peu.

 

2e

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