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Christoblog

Banel et Adama

Quelle déception ! Lors du dernier festival de Cannes, le premier film de Ramata-Toulaye Sy promettait du lourd : un premier film africain d'une jeune réalisatrice franco-sénégalaise, s'éloignant des clichés naturalistes sur l'Afrique sub-saharienne. On allait voir ce qu'on allait voir.

Malheureusement, si le film s'éloigne effectivement de tout naturalisme, c'est pour mieux re-créer toute une série de clichés sur l'Afrique, sur un mode poético-mystique qui ne convainc pas.

De cette histoire d'amour efflanquée et bancale, mâtinée de fantastique, il ne me reste pratiquement aucun souvenir, si ce n'est quelques belles images baignées d'une lumière très "National Geographic" et le souvenir confus de personnages antipathiques ou vaporeux, évoluant dans un réseau de thématiques très politiquement correctes (émancipation féminine, réchauffement climatique...).

Banel et Adama est un essai épuré qui relève de la fable, et qui aurait probablement pu faire l'objet d'un moyen-métrage stylisé. Il peine à remplir toute la durée d'un long-métrage, par manque de densité narrative et de profondeur psychologique. 

Deux points positifs sauvent le film : la beauté parfois sidérante de certaines images, et l'originalité du regard. 

 

2e

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Ama Gloria

Ama Gloria est un film d'une fragilité extrême qui ne repose pratiquement que sur la performance de la jeune actrice (Louise Mauroy-Panzani) et de sa nounou (Ilya Moreno Zego) .

La caméra de la réalisatrice est toujours très proche des visages, à tel point que cela peut devenir parfois un peu oppressant. L'intérêt de ce qui est raconté réside en réalité dans la spontanéité et la fraîcheur des sentiments que les personnages expriment : le visage de la petite fille est comme un paysage dont le film serait l'écrin. Cette façon de se mettre à "hauteur d'enfant" fait irrésistiblement penser au Tomboy de Céline Sciamma.

Peu d'enjeux narratifs donc, et des qualités de délicatesse et de captation des sentiments qui ne sont pas ostentatoires, et rapproche le film du monde documentaire.

Un des intérêts du film est de nous entraîner dans les îles du Cap Vert, contrée peu visitée par le cinéma.

Marie Amachoukeli sur Christoblog : Party girl - 2013 (***)

 

2e

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Sick of myself

Kristoffer Borgli signe ici un film dérangeant et très original.

Sick of myself commence comme une comédie à la mode scandinave : une jeune femme, unie à un artiste ayant le vent en poupe, souffre d'un manque de reconnaissance.

Les blessures d'égo et les humiliations répétées donnent lieu à de petites scènes délicieusement méchantes. Lorsque l'héroïne Signe décide d'attirer sur elle l'attention par le biais d'une grave maladie dont les symptômes sont obtenus à l'aide d'un médicament russe, les choses se compliquent. 

Le film dérive alors vers quelque chose de plus poignant, une sorte de body horror existentiel qui fonctionne comme une spirale infernale.

Ce sont donc les changements de ton qui font tout le sel de ce premier film norvégien : tour à tour grinçant, amusant, cruel, il dissèque merveilleusement plusieurs aspects de notre société contemporaine. On ne peut s'empêcher de penser au cinéma d'Ostlund, en moins exubérant.

Un réalisateur à suivre.

 

3e

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Rendez-vous à Tokyo

Rendez-vous à Tokyo utilise le procédé du film "à rebours", c'est à dire que plus le film avance, plus on recule dans le passé par le biais de flash-backs successifs.

Le procédé n'est pas utilisé ici dans un but de construction intellectuelle visant à faire comprendre progressivement ce qu'on a vu auparavant (comme dans l'excellent Peppermint Candy), mais plutôt comme une façon de donner à sentir la construction et la dilution du sentiment amoureux.

En cela, le film le Daigo Matsui est assez réussi. Si on peine dans un premier temps à entrer dans le concept du film, il faut avouer qu'on finit progressivement par se laisser gagner par une sorte de sourde nostalgie, balloté par un air du temps qui possède un charme indiscutable. On suit les évolutions de la relation entre Yo et Teruo avec un intérêt croissant.

Tout n'est pas parfait (le personnage sur le banc n'apporte pas grand-chose par exemple), mais la délicatesse du film, associée au tableau sensible de la métropole tokyoïte, finissent par emporter l'adhésion. Un nouveau réalisateur japonais à suivre.

 

2e

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Les filles d'Olfa

Formidable film que cet essai multiforme dans lequel deux actrices prennent la place de deux soeurs parties rejoindre le djihad.

La mère et les deux autres soeurs jouent leur propre rôle, se livrent face caméra, rejouent des scènes passées, sont filmées dans leur vie quotidienne ou dans des lieux emblématiques de leur passé. Le tout est très maîtrisé et ce qui aurait pu apparaître comme un collage informe finit par donner vie au drame qu'a vécu cette famille, sous une forme résolument inédite.

On est saisi par les vérités brutes que le film parvient à exprimer : l'embrigadement est en grande partie la faute des parents (les problèmes du père, la violence de la mère), mais les circonstances (la pauvreté) et le hasard (le prédicateur et le vagin qui prend feu) jouent aussi un rôle. 

Le procédé est tellement puissant que l'inconfort n'est souvent pas loin. On est parfois gêné des minauderies de comédiennes en herbe des soeurs non actrices alors que le drame est toujours là, ou dubitatif devant certaines scènes lors desquelles le linge sale de la famille semble se laver devant nous.

Les filles d'Olfa est à la fois une psychanalyse de groupe, un "méta-film" d'un genre nouveau, un digest sur la société tunisienne, une réflexion sur la transmission et le destin, et un documentaire en prise directe avec la réalité. Un film inclassable et brillant.

 

4e

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Les tournesols sauvages

Jaime Rosales est sûrement le réalisateur espagnol le plus sous-estimé en France.

Son cinéma est en effet d'une sensibilité rare et d'une grande qualité formelle.

Dans ce film, le Catalan s'attache à faire le simple portrait d'une jeune mère célibataire de notre temps, pleine d'énergie mais pauvre en moyens, et lestée par deux enfants.

On suit avec intérêt les tentatives de la jeune femme pour se rapprocher de trois hommes différents : un culturiste potentiellement violent, le père de ses deux enfants, puis un homme sensible déjà père lui aussi. 

S'il ne se passe pas grand-chose d'un point de vue narratif, la qualité du portrait est telle que le film laisse finalement une trace sensible dans l'esprit du spectateur, séduit par l'énergie interne du personnage de Julia, joué par l'excellente Anna Castillo, qui irradie la pellicule, et par le sentiment de spontanéité naturelle qui ruisselle de chaque plan.

Les tournesols sauvages réussit un mélange parfait de réalisme cru et de sensibilité intelligente, captant les variations d'humeur des différents personnages en seulement quelques plans, parfois zébrés d'audacieuses ellipses.

Un très beau film.

Jaime Rosales dur Christoblog : Petra - 2019 (***)

 

3e

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Anatomie d'une chute

De ce long film dense et puissant, on se demande ce qui mérite d'être mis en avant tant tout y semble parfait.

L'écriture d'abord est merveilleuse. On ne s'y ennuie pas une minute, tout y est savamment pesé. Anatomie d'une chute est d'une finesse ahurissante en terme de progression dramatique et de tension psychologique.

Les acteurs y sont splendides, Sandra Huller en tête, qui joue d'une façon vertigineuse une femme dont on ne sait trop quoi penser : autrice géniale unie à un mari médiocre ou monstre pervers et froid ? Le casting est tout simplement parfait.

La mise en scène au sens large (direction artistique, image, direction d'acteur) accompagne tout cela de main de maître : de la promenade inaugurale du chien dans la neige au huis clos étouffant du procès, en passant par la scène magnifique de la dispute revécue, tout est d'une limpide efficacité.

Comme dans tout bon film de procès, on passe d'une conviction à l'autre, au gré des prestations d'experts qui assènent avec la même conviction des évidences contradictoires.

Thriller psychologique hors norme et réflexion sociologique sur les rapports homme/femme au sein du couple, Anatomie du chute est une Palme d'Or enthousiasmante, tectonique des égos filmée de main de maître(sse).

Justine Triet sur Christoblog : La bataille de Solférino - 2013 (***) / Victoria - 2016 (**) / Sibyl - 2019 (**)

 

4e

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Yannick

Comme souvent (toujours ?) chez Dupieux, il y a cette excellente idée de départ : un spectateur qui trouve la pièce de théâtre qu'il regarde très mauvaise, décide de l'interrompre.

Sur cette idée originale porteuse de nombreux développements possibles, Dupieux brode une fable plutôt agréable, au texte souvent savoureux, magnifiquement servi par un Raphaël Quenard qui prend de film en film une épaisseur considérable. On n'oubliera pas de sitôt son interprétation à la fois calme et fiévreuse, émouvante et horripilante, amusante et inquiétante.

Yannick doit donc probablement son relatif succès à la prestation de son acteur principal (Pio Marmaï est aussi très bien), tant le film tourne assez vite un peu court, jouant un peu trop d'un même jeu de ficelles, certes efficaces, mais un poil lassantes. La fin ne m'a pas convaincu non plus, rompant le pacte burlesque grinçant qui fait le charme du film.

Un Dupieux plaisant, de plus agréablement court.

 

2e

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Mission : Impossible - Dead reckoning part 1

Rappelons-nous ce qui nous plaisait dans les James Bond de l'ancien temps : un héros charismatique, des personnages secondaires bien dessinés, des scènes d'action spectaculaires et réalistes, des décors somptueux, une écriture complexe mais lisible.

Aujourd'hui, ce que la franchise 007 n'offre plus, Ethan Hunt le dispense à foison. Mission Impossible 7 est en effet un film d'action comme on n'en fait plus beaucoup. Passé une première séquence un peu poussive dans le désert qui fait craindre le pire, on est entraîné dans une aventure aux multiples personnages reliés par des histoires complexes, trouvant souvent leur origine dans les épisodes précédents.

Le scénario évite ainsi les principaux écueils de ce type de production : le manichéisme et la superficialité. Les scènes d'action sont vraiment impressionnantes, revisitant les grands classiques (course poursuite en voiture, combat sur le toit d'un train) avec brio et une pointe d' humour bienvenue.

Les principaux décors (l'aéroport d'Abu Dhabi, Rome, Venise, le train) sont exploités à fond. Pas seulement comme carte postale (ce qui est maintenant le cas dans les James Bond), mais comme terrain de jeu à part entière dont il est plaisant d'explorer les coins et les recoins.

L'ensemble est teinté d'une réflexion plutôt réussie sur l'IA et la façon dont le numérique envahit nos vies, et d'un vague sentiment de nostalgie triste et désabusée, qui font des héros de véritables êtres humains.

Les 2h47 du film passent très vite, et franchement, vous auriez du mal de vous priver de ce shoot de plaisir pur, à l'ancienne. Une réussite.

 

3e

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Les herbes sèches

Au fur et à mesure que la filmographie de Nuri Bilge Ceylan se remplit, son statut de plus grand réalisateur vivant se confirme.

Les herbes sèches permettent de retrouver la richesse exceptionnelle de Winter Sleep et de Il était une fois en Anatolie : tout dans le film respire l'intelligence et le talent. Les thématiques abordées sont diverses et profondes, triangle amoureux, accusation de harcèlement, corruption, terrorisme, propriété, rapport au corps, majesté de la nature,... on ne peut que s'épuiser à lister tout ce que film charrie comme interrogation, débat et interpellation.

Le propos pourrait sembler abscons s'il n'était servi par un sens incroyable de la mise en scène. Les paysages hivernaux sont sublimés par l'oeil de Ceylan, et les mouvements de caméra sont souvent d'une beauté à couper le souffle. La scène du repas entre le personnage principal et  Nuray (prix d'interprétation féminine à Cannes pour Merve Dizdar) est de toute beauté. Un immense moment de cinéma, bousculé par une scène qui rompt le quatrième mur dans un élan sidérant. Il y a dans cette séquence un plan filmé au-dessus de la tête du personnage féminin, qui marque un moment de bascule, et qui m'a littéralement sidéré par sa beauté.

Ajoutons à tout cela des photographies sublimes (c'est le premier métier de Ceylan), un souffle constant qui font passer les 197 minutes du films en un éclair, des idées à tous les plans, une immersion infiniment exotique dans l'Est de la Turquie, un sens de la nuance qui n'a aucun équivalent dans le cinéma mondial actuel, et vous obtiendrez un des tout meilleur film de l'année.

Nuri Bilge Ceylan sur Christoblog : Uzak - 2002 (****) / Les trois singes - 2008 (***) / Il était une fois en Anatolie - 2011 (****) / Winter sleep - 2013 (****) / Le poirier sauvage - 2018 (***)

 

4e

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Concours Cette sacrée vérité : Gagnez 2 médiabooks

l'occasion de sa sortie, je vous propose avec Wild Side de gagner 2 exemplaires du très beau mediabook (DVD + livre + Blu-ray) du chef d'oeuvre de Léo McCarey, Cette sacrée vérité, avec Cary Grant et Irene Dunne.

Pour ce faire :

- répondez à la question suivante : quel est le nom du chien qui figure dans le film ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par ici avant le 19 juillet 20 h.
 

Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le DVD envoyé par le distributeur. NB : un des deux DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB ou mon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien).

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Une nuit

Une nuit commence comme Before sunrise : un homme et une femme se rencontre dans les transports en commun (le train là, le métro ici), puis passent une nuit à errer dans une grande ville (Vienne là, Paris ici), à tomber amoureux l'un de l'autre et à se raconter leur vie jusqu'au petit matin. Dans les deux films, on voit les lieux qu'ils fréquentent vides, on découvre des pans de leur passé par éclair, et on ne sait pas jusqu'à la fin s'ils se reverront ou pas.

Il y a pourtant une différence de taille entre les deux films, que je ne dévoilerai pas ici pour ne pas gâcher le plaisir du spectateur (et même si le film lui-même donne un peu trop vite à mon goût des éléments à ce sujet).

J'ai vraiment accroché à cette histoire toute simple, racontée avec de très modestes moyens, et presque exclusivement basée sur la complicité amicale d'Alex Lutz et Karin Viard, tous deux excellents, que les deux protagonistes parviennent miraculeusement à transformer en chaleur amoureuse. J'ai trouvé notamment que le film parvenait très bien à donner à ressentir temps qui passe, et la façon dont évoluent les sentiments.

Une nuit confirme pour moi le talent d'Alex Lutz, qui donne ici, après Guy, une nouvelle preuve de son talent de directeur d'acteur et de scénariste.   

Un très bon moment.

Alex Lutz sur Christoblog : Guy - 2018 (***)

 

3e

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Elémentaire

Loin d'atteindre les sommets de la filmographie Pixar, Elémentaire marque un retour à une certaine qualité standard, susceptible de plaire au plus grand nombre.

J'ai apprécié l'animation parfaite, la construction logique d'un monde dans lequel chaque élément (feu, eau, terre, air) a son quartier, et les idées qui fourmillent en relation avec les propriétés physiques du feu et de l'eau. De ce point de vue, Elémentaire prend des airs de petit cours de physique (comment fabrique-t-on le verre ?).

Le propos sur la diversité est très consensuel mais bien mené, et la faculté de s'insérer dans un monde plus vaste quand on est issu d'une minorité est assez bien vue. Le réalisateur Peter Sohn a clairement indiqué que les personnages des parents de Flam étaient inspirés de l'histoire de ses propres parents, immigrés coréens.

L'histoire d'amour entre la volcanique Flam et le placide Flack, sans être très originale, est toute mignonne.

Il manque cependant une petite étincelle de folie, une once de cruauté bienveillante, un méchant convaincant, bref quelque chose de saillant, pour que le film soit pleinement satisfaisant pour un public adulte.

  

2e

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Wahou !

Les films de Bruno Poladydès sont à mon sens assez inégaux, mais celui-ci est véritablement délicieux !

Je ne m'attendais pas à voir un chef d'œuvre, tout juste un plaisant divertissement, mais au final Wahou ! s'avère à la fois plus profond et plus amusant que ce que j'espérais.

On rit en effet assez franchement au numéro des différents acteurs et actrices, qui semblent ici prendre un grand plaisir à jouer ensemble. Sabine Azéma, 74 ans, en fait 15 de moins, et sa malice enjouée continue à faire merveille : on n'oubliera pas de sitôt sa formidable tirade sur ce qui se passe dans les entrées de maison. Karin Viard rayonne littéralement, alors que Bruno Podalydès excelle en agent immobilier raté et mielleux. Son frère Denis réussit en une scène muette à nous faire rire, alors que Roschdy Zem livre une courte prestation très drôle de père possessif puis tout à coup enjoué suite à un amusant quiproquo.

On sourit et on rit en permanence donc, mais on est aussi gagné par l'émotion à plusieurs occasion. Une scène est en particulier réussie, qui montre une infirmière à bout de nerf jouée par l'excellente Florence Muller. Ce mélange d'émotion et de drôlerie est assez rare dans le cinéma français.

Le film est amusant et émouvant, mais il est aussi très bien réalisé, avec un mélange réussi de tendresse bienveillante et de subtil détachement, assaisonnée de petites pointes de malice (comme la caricature du jeune couple et de ses Bromptons). Les cartons de fin, qui parodient les messages de fin de film du style "Dix ans après, Paul est devenu père de trois enfants", sont irrésistibles de drôlerie.

A ne pas rater, pour passer un excellent moment.

 

3e

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Vers un avenir radieux

En 2021, Nanni Moretti s'était révélé sacrément mauvais perdant, en déclarant à propos de la Palme d'or, Titane : "Vieillir soudainement. Ca arrive. Surtout quand un de vos films participe à un festival. Et qu’il ne gagne pas. Et au lieu de ça, c’est un autre film qui gagne dont le premier rôle tombe enceinte d’une Cadillac. Tu vieillis d’un coup. Bien sûr."

Impossible pour moi de ne pas repenser à cette déclaration lors des scènes de Vers un avenir radieux dans lesquelles Moretti s'énerve contre un réalisateur tournant ce qu'il juge être des scènes de violences gratuites. 

A ce moment-là, le réalisateur italien semble effectivement tout à coup pencher du côté de la ringardise : sa charge grossière contre un cinéma spectaculaire et violent (qui est celui de Ducourneau, Bong Joon-Ho ou même Tarantino) tombe à plat, révélant probablement ce qu'il pense vraiment sous couvert d'un second degré bien commode.

Tout le dernier film de Moretti m'a paru triste, expression désabusée d'une longue boursouflure d'ego, ressassant des obsessions qui étaient charmantes à l'époque de Journal intime (les balades en deux roues dans le quartier, le communisme), mais sont devenues désormais plutôt énervantes. Comme un vieil oncle dont les plaisanteries entendues mille fois ne font plus rire. Avec le temps, le caractère acariâtre de Moretti, qui charmait à ses débuts par son caractère asocial et original, est devenu une rengaine sans grâce de vieil homme, ne proposant plus grand-chose de neuf.

L'autodérision n'est pas charmante quand elle n'est plus légère. 

Je ne mets pas la note la plus basse parce que je remémore les attachements passés, et que le ton Moretti fait encore ponctuellement mouche (comme lors de la scène chez l'ambassadeur), mais j'ai été déçu. 

 

2e

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Omar la fraise

Omar la fraise commence plutôt bien. La plongée qu'il propose dans une Alger inaccoutumée, mix de petite délinquance décontractée et de convivialité exubérante, est plutôt agréable.

Dans ce contexte de pieds nickelés sans prétention on est prêt à beaucoup pardonner au couple Reda Kateb / Benoit Magimel, excellents tous les deux, y compris l'introduction d'une mièvre histoire d'amour. La formidable utilisation des décors naturels d'Alger donne beaucoup de charme au film d'Elias Belkeddar, qui prend parfois des airs de tragi-comédie à l'italienne.

Malheureusement, le fragile équilibre du film se délite assez rapidement, par la faute d'un scénario qui tourne en rond, puis choisit des voies totalement improbables, qui détruisent son charme. 

C'est dommage, car il y avait de quoi faire avec tous ces ingrédients un portrait doux-amer de malfrats à la petite semaine, dans un décor formidable.

On guettera avec attention le deuxième film d'Elias Belkeddar.

 

2e

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Stars at noon

Pas facile de défendre (un petit peu) ce film fragile de Claire Denis, tant il cumule de faiblesses et d'approximations.

Alors, OK, son scénario filandreux n'est pas passionnant, son propos est ténu, ses développements approximatifs, son intrigue confuse et son rythme émolient.

Mais il me faut avouer, à rebours de la majorité de la critique, que j'ai été assez sensible à l'histoire d'amour naissant entre les deux personnages joués par l'excellente Margaret Qualley (une future grande, c'est clair) et Joe Alwyn. J'ai rarement eu cette sensation de voir un sentiment éclore à ce point à l'écran.

L'autre point fort du film, c'est la moiteur qui baigne le film, une moiteur symbolique et physique à la fois, qui m'a vaguement rappelé les romans de Graham Green et de Malcom Lowry, moiteur qui imbibe une atmosphère de complot permanent, d'embrouilles politique et de faux-semblants tropicaux.

Tel un cocktail bien chargé en rhum et arrosé par le score toujours délicieux des Tindersticks, le film m'a gentiment enivré, et bercé dans une molle torpeur dans laquelle l'apparition irréelle de Benny Safdie m'a ravi.

Un petit plaisir coupable, bien imparfait.

Claire Denis sur Christoblog : Les salauds - 2013 (**) / Un beau soleil intérieur - 2017 (**)

 

2e

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Asteroid city

Si vous avez trouvé comme moi que les derniers Wes Anderson commençaient à ressasser la même recette, alors n'allez surtout pas voir Asteroid city.

Le dernier opus de Wes Anderson apparaît en effet comme une compilation à bout de souffle de tout son cinéma précédent, dans lequel tous les effets bien connus sont égrenés d'une manière presque robotique : couleurs pastels jaunâtres, personnages hiératiques qui semblent manipulés comme le seraient des marionnettes, mise en abyme arty, effets de symétrie en veux-tu en voilà, split screen, discours verbeux, détails dans tous les coins du cadre, etc.

A quoi tout cela sert-il ? Voilà la question que je me suis posé tout au long du film, qui ne génère aucune émotion, n'intrigue pas, ne surprend pas, et en un mot, ennuie.

Même les dialogues, qui souvent chez Anderson font mouche, semblent ici tristement amidonnés, comme l'unique décor, dont l'artificialité géométrique m'a rebuté. On en vient à scruter sans grand intérêt les petits nouveaux entrant dans la famille, et en particulier Scarlett Johansson, assez fade en Marilyn de cire.

Tout cet attirail formel et froid illustre des thèmes qui ne m'ont pas intéressé (l'Amérique éternelle, la famille, le théâtre des années 50). Même l'extra-terrestre est tristounet.

Un raté total pour moi, que les plus passionnés des fans consacreront peut-être comme le summum de Wes Anderson, considérant que le "système" du cinéaste trouve ici sa réalisation la plus aboutie.

Wes Anderson sur Christoblog : La vie aquatique - 2003 (*) / A bord du Darjeeling Limited - 2007 (***) / Fantastic Mr. Fox - 2009 (****) / Moonrise kingdom - 2012 (****) / The grand Budapest hotel - 2013 (**)  / L'île aux chiens - 2018 (****) / The french dispatch - 2021 (**)

 

1e

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L'odeur du vent

Pas très facile d'expliquer ce que ce film a d'exceptionnel, si on le considère dans un premier temps uniquement sous l'angle de son synopsis : un électricien tente de dépanner l'installation d'un homme handicapé en trouvant (difficilement) la bonne pièce.

Si on ajoute le fait que le film doit comprendre une quinzaine de lignes de dialogue en tout (dont la moitié constituées de "Salam") et vous comprendrez que L'odeur du vent n'est pas le film le plus facile à conseiller.

Pourtant, cela faisait longtemps que je n'avais pas été ému de cette façon. Les plans tout d'abord sont tous, sans aucune exception, composés d'une façon admirable. Non seulement les paysages iraniens sont de toute beauté, mais la lumière, le cadrage et la durée de chaque plan rendent l'expérience de vision du film particulièrement immersive. La prise de son est également fantastique.

Si chaque scène est un véritable petit tableau, leur enchaînement mutique amène à ce qu'on se pose rapidement une question : pourquoi notre héros fait-il tout ça ? Et la réponse est toute simple : par bonté d'âme. Pour aider son prochain, sans en attendre de remerciements. C'est un argument fragile, mais qui remplit le film de la même façon qu'un gaz remplit une bouteille vide quelque soit sa quantité : la bonté irradie le film de bout en bout, lorsque un homme cueille un bouquet de fleur pour un aveugle, comme lorsqu'un autre répare silencieusement une voiture.

Une leçon de vie magnifiquement mise en image. A découvrir de toute urgence.

 

3e

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Love life

Le dernier opus de Koji Fukada (Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis) nous avait laissé un peu sur notre faim. Le format série resserré pour le cinéma ne fonctionnait pas très bien.

Avec Love life, le réalisateur japonais revient à ce que l'on préfère chez lui : une mise en scène élégante, une écriture au scalpel et des événements qui bousculent simultanément les personnages et les spectateurs.

Le film commence ici comme le tableau en demi-teinte d'un couple presque normal : elle a un enfant d'une première union, il a des parents un peu envahissants qui habitent dans l'immeuble d'en face. On sent vaguement que quelque chose d'anormal plane au-dessus de la famille : une curieuse cérémonie d'anniversaire pour le beau-père, l'ex petite amie du mari qui réapparaît, des paroles acerbes qui s'échangent.

Le style Fukada est là : le regard d'un entomologiste qui observe des fourmis humaines se débattre dans le labyrinthe de la réalité, se heurtant à leurs sentiments, leurs désirs, et surtout ici, leur culpabilité.

Dans Love life, la communication semble impossible entre les principaux personnages. La mise en scène excelle à décrire leur isolement par de multiples et subtils procédés : plan lointain, jeu de transparence et de reflets, bande-son travaillée. A l'image du sublime dernier plan, le maximum de connivence qui semble accessible dans ce monde absurde, c'est de marcher un petit bout de chemin l'un à côté de l'autre.

Un beau film, ample et délié, riche en signes et en symboles.

Koji Fukada sur Christoblog : Au revoir l'été - 2014 (***) / Harmonium - 2017 (****) / L'infirmière - 2019 (***) / Suis-moi je te fuis, Fuis-moi je te suis - 2022 (**)

 

3e

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