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Christoblog

Articles avec #rooney mara

Nightmare alley

Del Toro devait probablement finir par filmer des monstres de fête foraine, tout comme Tim Burton devait à un moment de sa carrière choisir un cirque comme décor (Dumbo).

Dans ce remake d'un film de 1947 que peu de spectateurs auront vu, le brillant réalisateur mexicain réussit un emberlificotage de haut niveau. Nightmare alley commence en effet comme un film holywoodien lambda : certes bien rythmé et remarquablement mis en scène, mais globalement convenu, engoncé dans une esthétique vieillotte et une photographie jaunâtre (j'ai songé à la direction artistique désuète du West side story de Spielberg).

Et puis progressivement, la narration au long cours du film vire au noir, de façon figurée et littéralement (la nuit prend de plus en plus de place). La deuxième partie du film devient donc une longue et tortueuse descente aux enfers, émaillée de choix faustiens, d'éclairs de cruautés de plus en plus saignants (culminant dans l'incongruité de l'épisode de l'oreille). Nightmare alley brasse alors une série d'allusions psychologiques traumatisantes qui ne trouveront aucune explication satisfaisante (la cicatrice du docteur, les traumatismes d'enfance du héros principal et sa relation aux vieux hommes, les horreurs perpétrées par Ezra Grindle aux jeunes filles).

Ainsi le miracle (le piège) opéré par le magicien Del Toro fonctionne-t-il parfaitement : le film commence comme un produit manufacturé de série et se finit dans un mauvais rêve cruel, à l'image du générique de fin. Nightmare alley aura profondément manipulé son spectateur.

Délectable : 2h30 qui passent en un clin d'oeil.

 

4e

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Don't worry, he won't get far on foot

Les critiques sont devenus très cruels avec Gus Van Sant, comme s'ils ne supportaient pas que le cinéaste vaporeux de Gerry ou Elephant ait disparu.

Or, il faut se rendre à l'évidence, Gus Van Sant ne fait plus de Gus Van Sant première manière depuis au moins cinq films, et je pense que personne ne peut deviner quel est l'auteur de ce film s'il ne le sait pas avant.

Jugeons donc Don't worry pour ce qu'il est : une histoire prenante qui fait sentir comme rarement ce qu'est l'addiction à l'alcool, un montage compliqué mais efficace, un casting impeccable et une performance exceptionnelle de Joaquin Phoenix. Le résultat est très plaisant, même si quelques incroyables maladresses (l'apparition de la mère) émaillent le film.

J'ai pour ma part été touché par le désespoir énergique que dégage le personnage et les dessins de John Callahan, et une scène m'a particulièrement ému : celle des retrouvailles entre John et Dexter.

Le talent de Van Sant se perçoit dans de menus détails qu'on a plaisir à repérer : un champ contrechamp original, une prise de vue avec un angle particulier, un mouvement de caméra particulièrement fluide.

Un film digne et agréable.

 

2e

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A ghost story

Comme Ida, de Pawel Pawlikowski, ou The young lady, de William Oldroy, A ghost story est un film de petit malin.

Il en a toutes les caractéristiques, la première d'entre elles étant une tendance à adopter un formalisme tape à l'oeil qui fait "cinéaste". Ici, c'est le format 4:3 aux coins arrondis (un peu ringard), la musique envahissante, les plans à rallonge, la photographie grisâtre, les ellipses osées, les lents travellings, le hiératisme sculptural des scènes avec le fantôme.

Le deuxième point commun des films de petit malin est de préférer à la narration un dispositif spectaculaire visant à coincer le spectateur dans des recoins, et à le manipuler, par un effet de surprise totalement gratuit par exemple. Le résultat est que pour la plupart des spectateurs, il sera impossible de ressentir une émotion. Pour certains autres (les films de petit malin ont toujours une phalange d'admirateurs transis), il faut supposer que la cohérence stylistique du film puisse causer un effet positif.

Enfin le film de petit malin a toujours un aspect "regarde donc comme je suis intelligent" un peu poseur, qui se traduit par un twist ou une évolution inattendue de l'intrigue. En toute logique, cette vaine tentative de faire brillant dégonfle le film comme un ballon de baudruche. Dans A ghost story, si la façon dont le temps s'écoule est assez bien vue, la boucle temporelle (déjà traitée dans de nombreux films, qui d'ailleurs ont toujours beaucoup de mal à s'en sortir proprement) fait pschittt, un peu comme le fantôme lui-même.

Un produit typique de Sundance, sorte de variante minimaliste du new-age malickien made in Austin, dont vous pouvez parfaitement vous dispenser.

 

1e

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Carol

Qu'un film d'amour mette en scène un couple homosexuel ou un couple hétérosexuel, on a besoin de croire à l'attraction mutuelle des deux protagonistes.

De ce point de vue, je n'ai pas du tout cru en l'histoire de Carol et Therese. Le film ne m'a autorisé aucune empathie : il m'a fait le même effet qu'un congélateur fera à une bûche glacée. 

Cate Blanchett est un personnage mal dessiné, prédatrice sexuelle se transformant laborieusement en amoureuse transie. Son physique est froid, son désespoir poli, ses pulsions raisonnées. Rooney Mara affiche un joli minois sans aspérité, qui n'exprime qu'une vague et terne personnalité.

J'ai traversé ce film comme on regarde l'oeil hagard une belle reconstitution de train de luxe dans un musée du Limousin : l'objet est beau, sans enjeu sociologique ou dramaturgique, juste le témoin désuet et inutile d'un temps passé. Dans Carol, à l'image du personnage joué par Kyle Chandler, cette potiche de mari, tous les êtres vivants semblent secondaires et comme passés par un bain de naphtaline. C'est certes très bien filmé, mais le scénario du film ne permettait en réalité d'envisager qu'un modeste court-métrage.

Sorte de bel objet qu'on laissera traîner avec ostentation sur sa table basse mentale, le film de Todd Haynes semble obstinément se refuser à fournir la moindre émotion.

 

2e

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Her

Dans une Los Angeles magnifiquement fantasmée, Joachin Phoenix livre le plus beau rôle de sa carrière.

Evacuons d'entrée ce qu'on peut reprocher au film de Spike Jonze : il est parfois maladroit (l'écran noir pour la scène de sexe), son scénario n'est pas particulièrement original (on a déjà vu au cinéma des histoires d'amour avec des porte-clés, des poupées gonflables ou des chimpanzés), son rythme est sujet à de laborieux ralentissements.

Mis à part ces quelques réserves, Her ne présente que d'immenses qualités, à commencer par la beauté époustouflante de son monde futuriste et doux, dans lequel tout ne semble tendre qu'à la beauté et aux loisirs. Décors, lumières, musiques, intérieurs, costumes (ah, ces pantalons taille haute sans ceinture), couleurs, éclairages : tout concourt à dessiner la trame d'un monde cohérent, à la fois moelleux et terriblement flippant. C'est à mon sens la plus belle réussite que j'ai pu voir au cinéma dans le genre.

Deuxième atout majeur du film : la prestation titanesque de Joachin Phoenix, acteur dont j'ai souvent douté, mais qui ici est presque de chaque plan, et parvient à jouer une palette d'émotions infinie. Le reste du casting est absolument parfait, avec une Amy Adams parfaitement craquante, et la voix parfaitement dosée de Scarlett Johansson (les mauvaises langues diront qu'elle tient là son meilleur rôle).

Ajoutez à ces deux qualités un scénario qui sait ménager quelques temps forts (l'incroyable tentative à trois) et une mise en scène d'une élégance rare, et vous obtenez un des films les plus attachants de ce début d'année.

Un peu décevant lors de sa vision, il révèle dans les jours qui suivent sa vision toute sa puissance évocatrice de ce que peut être l'Amour : une démence profonde, utile pour combattre le monstre rampant de la Solitude. Une grande réussite formelle.

 

4e

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Les amants du Texas

http://fr.web.img4.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/236/21023656_20130731142308799.jpgTexas, champs de blé effleurés par la brise, lumière mordorée, personnages évoluant au ralenti en prononçant des phrases parfois incompréhensibles, ellipses aléatoires, musique de secte végétarienne à tendance tibétaine : vous pensez que je parle de Terence Malick, mais je décris simplement le deuxième film de David Lowery, un jeune (32 ans) qui fait des films de vieux.

Les amants du Texas est mal conçu, mal écrit, mal joué, mal découpé, mal monté, mal dialogué, mal fagotté, et, soyons honnête, moyennement réalisé.

Le scénario, qu'on dirait écrit par un ivrogne dépressif, enfile les poncifs éculés dans une sorte de torpeur sirupeuse qui sucre jusqu'à l'élocution de ce pauvre Casey Affleck, aussi mauvais acteur que beau garçon.

Si le film ne durait que dix minutes, on pourrait le supporter comme une pub, mais il étend sa lenteur besogneuse tout au long d'1h37, autant dire une éternité.

 

1e

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Effets secondaires

Je ne pensais plus devoir attendre quelque chose d'agréable de la part de Soderbergh, surtout après le lénifiant, et lui aussi médical, Contagion.

Erreur ! Autant Contagion souffrait d'une intrigue lâche et d'approximations coupables, autant Effets secondaires renoue avec une solidité scénaristique de premier ordre. Le film évolue d'une chronique de la folie vers un thriller criminel, tout en multipliant les fausses pistes (le film-procès contre les labos, le film-thèse sur la responsabilité morale et juridique).

J'ai pris un plaisir primaire à me faire manipuler avec autant de brio, quitte à gober quelques renversements de points de vue dans l'absolu improbables, mais finalement très cohérents au sein du film.

La mise en scène de Soderbergh est extrêmement maîtrisée, très classique dans sa forme et ses effets visant tous à amplifier le suspense ou à l'inverse l'explication. On est proche ici de l'esprit du meilleur de Hitchcock. Soderbergh impose ici un style dépouillé, sobre, et en même temps expressif, qui le place dans une longue et noble lignée de cinéastes classiques, prenant plaisir à raconter une histoire complexe et plaisante.

Jude Law est tout bonnement époustouflant, et le reste du casting est proche de la perfection. La musique est remarquable.

Difficile de trouver un défaut au film, qui procure du plaisir en flattant l'intelligence, ce qui est de moins en moins courant.

 

4e

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Millenium

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/85/29/73/19863494.jpgCe film pourrait ne pas exister, et personne ne s'en porterait plus mal.

D'abord l'histoire est bien mieux racontée dans le livre qu'ici (comme d'habitude, elle est plus dense, plus complète, plus prenante, dans le roman). Ensuite, pour ceux qui ne savent pas lire, il existe un film européen (en réalité une trilogie) de bonne facture. Et si vous voulez vraiment être complet, ces films se déclinent en une mini-série de 6 épisodes de 90 minutes.

On peut donc se demander pourquoi Fincher s'est engagé dans ce projet consistant à venir tourner en Suède une histoire de Suédois, jouée par des acteurs américains parlant anglais. Pourquoi pas ne pas envisager Christopher Nolan venant tourner en France Les Misérables avec DiCaprio dans le rôle de Jean Valjean ?

Le film est donc une honnête oeuvrette de commande, lisse, ripolinée, et à la mise en scène très sage. Fincher semble avoir remisé toute ambition stylistique pour se contenter de jolis cadres et de sages mouvements de caméra. C'est long, très long, et on n'éprouve aucun sentiment d'aucune sorte, même vis à vis de l'assassin. Le film arrive à désarmocer les tensions du livre pour en faire une suite de moments glacés, pas moches, mais peu intéressants.

De ce film destiné à faire un bon prime à la télé on pourra toutefois retenir la performance convaincante de l'actrice Rooney Mara en Lisbeth, alors que Daniel Craig tente de la jouer "sobre", ce qu'il parvient à faire en devenant ... transparent. Symbole de l'aspect commercial et un peu froid du film, le générique de début façon James Bond, complètement décalé par rapport à l'esprit de l'histoire.

A ne pas voir si vous connaissez l'intrigue, les chances de vous ennuyer étant alors optimales.

 

2e

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